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pogées primitifs donnés à l’église naissante par de riches protecteurs ou qu’elle avait achetés de ses deniers. En les transportant par la pensée sur le sol, en y replaçant les arbres qu’on y avait plantés et les monumens funèbres qu’on y avait construits, en les enfermant de cippes ou de murailles, nous avons quelque idée de ces sortes d’îlots que les cimetières chrétiens devaient former au second siècle dans la campagne romaine entre des tombes des différens cultes.

Les catacombes primitives avaient donc fort peu d’étendue. Voici comment elles se sont peu à peu développées. Dans les galeries qu’on construisit les premières, les niches où l’on plaçait les morts étaient larges, éloignées les unes des autres ; il y avait beaucoup de place perdue. La religion nouvelle ne semblait pas se préoccuper encore de l’avenir ; peut-être ne comptait-elle pas sur un succès aussi rapide. Le progrès dépassa les espérances. Le nombre des fidèles augmentant toujours, il fallut bientôt serrer les tombes et en construire dans les endroits vides. Ce moyen ne suffit pas longtemps, et l’on dut se décider à agrandir les catacombes ; mais, pour respecter la loi, l’on se garda bien de sortir des limites du champ qu’on possédait : on creusa à des niveaux différens, il y eut quelquefois jusqu’à cinq étages de galeries superposées dans la même crypte. Le premier était à 7 ou 8 mètres du sol ; le dernier atteignait à la profondeur de 25 mètres. Ces agrandissemens durent donner beaucoup de place. D’après les calculs de M. de Rossi, un terrain qui n’aurait eu que 125 pieds romains de côté pouvait fournir, avec trois étages seulement, près de 700 mètres de galeries. La communauté des chrétiens a dû s’en contenter longtemps, Cependant, comme le nombre des fidèles s’accroissait toujours, il fallut bien sortir de l’enceinte primitive, qui ne contenait plus les morts. Ces petits hypogées étaient souvent voisins, ils poussèrent l’un vers l’autre des ramifications nombreuses, et plusieurs d’entre eux, en se joignant, formèrent un cimetière. Les cimetières ne sont donc que la réunion de quelques-unes de ces cryptes primitivement isolées, et s’ils ont encore aujourd’hui un si grand nombre d’entrées, c’est que chaque crypte avait la sienne et la conserva. Faut-il aller plus loin, et croire avec beaucoup de savans que plus tard tous ces cimetières se sont réunis entre eux pour ne former qu’une seule chrétienté souterraine ? On aimerait à le supposer. L’imagination serait flattée de l’idée que les fidèles qui aspiraient avec tant d’ardeur pendant leur vie à ne former qu’un seul bercail y sont au moins arrivés après leur mort ; mais il n’est pas possible de le croire : la nature du sol mettait trop d’obstacles à cette réunion. Les cimetières sont souvent séparés les uns des autres par des vallées profondes et marécageuses où l’eau séjourne après les orages.