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Les galeries creusées au-dessous de ces marais n’auraient jamais été praticables. Les chrétiens le savaient bien ; aussi n’ont-ils construit leurs cimetières que sur le penchant des collines, et quelque désir qu’on leur suppose de se réunir tous après la mort, il n’est pas possible d’admettre qu’ils aient jamais essayé de traverser les vallées. Après tout, les cimetières chrétiens, quelque isolés qu’ils soient, offrent encore un ensemble de travaux assez grandiose pour satisfaire l’imagination la plus difficile.

En l’absence d’autres documens, ces travaux seuls suffiraient à prouver que, lorsqu’ils furent entrepris, l’autorité laissait aux chrétiens la libre possession de leurs tombeaux. On sait en effet que jusqu’à l’empereur Dèce, même quand la communauté chrétienne fut inquiétée, on respecta ses cimetières. Ni l’histoire ni la légende ne disent qu’à cette époque on ait jamais tenté de les en dépouiller. lui n’est question de mesures de ce genre ni dans les vies des saints, ni dans les actes des martyrs, ni dans la fameuse lettre de Pline, ni dans la réponse de Trajan. La persécution contre les morts commence seulement au temps de Dèce. C’est en Afrique qu’on trouve la première mention de ces violences. Ce pays était un de ceux où les chrétiens n’avaient pas adopté l’usage des catacombes. Leurs tombes, plus apparentes, appelaient davantage sur elles la colère de leurs ennemis. « Pendant qu’Hilarianus était gouverneur, dit Tertullien, le peuple se mit à crier : Qu’ils n’aient plus de cimetière ! Et dans la fureur de leurs bacchanales ils osèrent arracher les cadavres des chrétiens au repos de la sépulture et à l’asile de la mort. » L’exemple fut contagieux. En 257, l’empereur Valérien interdit aux fidèles de Rome l’entrée de leurs catacombes. Il est probable qu’ils n’obéirent pas à ses ordres, puisque nous voyons que le pape Sixte II fut surpris et décollé, avec ses diacres et ses prêtres, dans celle de Prætextat. L’empereur Galien révoqua les édits de son père ; mais l’exemple était donné : les cimetières chrétiens ne retrouvèrent plus la sécurité dont ils avaient joui jusque-là. A partir de ce moment, la légende ne parle plus que de martyrs immolés dans les catacombes. Aussi est-ce à cette époque qu’il faut rapporter les précautions prises pour en dissimuler l’entrée. On renonce aux escaliers magnifiques qui s’ouvrent librement sur la campagne ; ils attirent l’attention du pouvoir, ils exposât à trop de dangers. On va se cacher dans les anciennes carrières, qui ne sont connues que des misérables et des vagabonds ; de là on creuse timidement des galeries étroites, des escaliers tortueux qui conduisent aux anciens cimetières. On n’ose plus porter au dehors la terre qui provient des fouilles nouvelles ; on la laisse entassée dans les chambres qui ne servent plus, et où on la voit encore de nos jours. On obstrue les cryptes, on mure les passages, on dérobe