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sent à des lois très différentes de celles de la nature inorganique ; ils maintinrent l’impossibilité pour la science de fabriquer de toutes pièces les corps que l’organisme engendre, ne prêtant à la chimie que le pouvoir d’analyser les produits dont la force vitale s’est réservé le secret de composition. Et cependant, par ses progrès, l’analyse des matières organiques indiquait déjà, comme on l’a vu plus haut, la voie qui conduisait à cette synthèse réputée inabordable. L’analyse en effet ne nous avait pas seulement enseigné de quels élémens primordiaux les matières organiques sont composées ; en fournissant pour chacune d’elles les proportions des élémens, ou, pour m’exprimer dans le langage technique, en donnant pour chaque composé le chiffre des équivalens, elle permettait de dresser une échelle ascendante ou descendante de groupemens. Les formules qui représentent d’une manière abrégée les composés quaternaires, ternaires ou binaires, mises en regard les unes des autres, prouvent que la suppression de quelques volumes d’un ou de deux de ces élémens, accompagnée parfois de l’addition de nouveaux volumes d’un troisième, transforme un composé organique en un autre n’en différant que par les exposans à l’aide desquels le nombre des équivalens est indiqué.

Ces formules ne résument pas sans doute tous les phénomènes qui se passent dans l’union des molécules ; il y a certainement des faits produits dont ces sortes de monômes algébriques ne fournissent aucune indication. Ainsi il arrive souvent que les élémens de l’eau s’éliminent au moment de la combinaison pour se fixer derechef quand a lieu la décomposition. Il n’y faut donc pas chercher la représentation rigoureuse du mode de composition des corps ; ces formules n’ont d’autre objet que de faire saisir d’un coup d’œil la nature des élémens, leur proportion en poids et l’équivalent du composé lui-même ; mais elles permettent par cela seul d’exprimer avec certitude toutes les transformations chimiques d’un composé, toutes les réactions auxquelles il peut concourir, car ce sont là des relations de poids et d’équivalens établies en dehors de toute hypothèse sur la constitution des corps.

Les formules une fois admises avec la signification précise et limitée qu’elles comportent, et réduites à n’être que l’expression abrégée des résultats de l’analyse, la comparaison montra que, du moment où il deviendrait possible d’opérer dans une matière organique une addition ou une suppression d’une certaine quantité de volume d’un ou de plusieurs de ces élémens, on la transformerait en une autre matière déterminée. Par l’association de moyens empruntés tantôt à la chimie organique, tantôt à la chimie minérale, on arriva à une décomposition partielle des corps qui permettait de changer un corps donné en un autre moins complexe. On réussit