Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concevoir l’espérance de créer la vie ou la végétation de toutes pièces, comme on crée maintenant des matières organiques. On a, par des moyens mécaniques, opéré des fécondations artificielles. Je ne parle pas seulement de la substitution de la chaleur habilement distribuée, à la couvée pour les œufs de la poule, mais de véritables fécondations où l’on se passe du mâle, où un moyen mécanique porte sur les œufs, sur les germes, le fluide qui doit les rendre féconds. Ces expériences, qui datent déjà du siècle dernier, ont été renouvelées de nos jours même sur des animaux d’un ordre élevé, tels que les chiens. Le phénomène est sans doute digne d’attention ; mais, notons-le bien, ce qui est artificiel, c’est le transport du liquide fécondant sur l’œuf les deux facteurs de la génération, le liquide et l’œuf, étaient déjà donnés. Pour que la création de l’être vivant fût véritable y il faudrait que l’expérimentateur pût refaire à la fois artificiellement et l’œuf et la liqueur fécondante. Quant à l’œuf, produit d’une évolution si complexe et si intimement liée, aux opérations de la vie, la chose est manifestement impossible ; il faudrait avant, tout refaire non-seulement ces principes immédiats que M. Frémy et Valenciennes ont retrouvés dans l’œuf, et qu’ils appellent substances vitellines, mais substituer à l’appareil ovarien, dont le produit diffère de composition pour chaque espèce, une série d’opérations chimiques exigeant une délicatesse, une rapidité, des soins qui dépassent la dextérité humaine. Quant à la liqueur fécondante, il peut paraître moins difficile de la fabriquer de toutes pièces avec les matières purement chimiques dont elle se compose, — l’eau, le phosphate calcaire, le chlorhydrate de chaux, la soude, et cette substance fort analogue à la fibrine, s’en rapprochant du moins, qu’on a nommée spermatine. Cette composition de la semence, qui n’est pas d’ailleurs la même pour les différentes classes d’animaux, offre au fond une complexité non moins grande que celle de l’œuf. Il y a là, trois ou quatre liquides élémentaires : les uns constituent le principe fécondant, les autres en sont le dissolvant ou le véhicule ; mais ce ne sont pas seulement des liquides qui figurent dans la liqueur reproductrice il y a encore des élémens organiques indispensables à la fécondité, doués d’un mouvement propre, et où l’on a vu tour à tour, des animaux ou de simples corpuscules mouvans. Ces zoospermes, ces spermatozoïdes, comme on les appelle, tiennent l’espèce de vie propre dont ils sont doués de l’animal au sein duquel ils ont pris naissance. Ainsi le chimiste, eût-il refait artificiellement toutes les matières chimiques que renferme la semence, serait ramené par ces corpuscules en présence du principe mystérieux de la vie qu’il s’efforcerait en vain de remplacer.

C’est ce principe animé et invisible qui présidera la formation de l’embryon, qui en distribue les diverses parties sur le modèle