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de l’espèce, qui lutte contre les causes extérieures tendant à contrarier son action. Dans les opérations qu’il exécute, il n’a recours qu’aux seules forces mécaniques, physiques ou chimiques. Voilà pourquoi il n’est pas impossible, par l’application intelligente et l’action combinée de ces diverses forces, de recréer les matières à l’aide desquelles il façonne le germe, il nourrit la plante ou l’animal, il y entretient la chaleur et le mouvement ; mais refaire dans sa complexité le végétal ou l’être vivant en se passant du principe animateur lui-même, voilà ce à quoi on ne saurait arriver. Il y a dans la formation d’un être vivant, d’un végétal nouveau, autre chose que du mouvement mécanique de l’affinité ; autre chose que des agens purement physiques ; et même ce que nous appelons une création artificielle n’est point encore une création fatale et spontanée. Sans doute, il n’y a plus là la force vitale qui dans la plante ou l’animal dispose les choses pour l’élaboration de la matière, puisque le chimiste obtient cette matière dans son laboratoire ; mais l’expérimentateur qui se substitue comme ordonnateur à la force cachée que nous appelons la végétation ou la vie est lui-même une intelligence, un être animé qui n’a point été engendré artificiellement. On tient pour démontré le caractère tout artificiel des opérations de la synthèse chimique, parce qu’on ne prend les élémens formateurs que dans les sources minérales ; on fait observer que la formation de toutes pièces ides substances organiques ne serait pas démontrée ; si l’on se bornait à les composer avec des élémens produits eux-mêmes par l’action physiologique. On a certainement raison ; mais il existe un élément dont il est absolument impossible de se passer : c’est l’intelligence, le génie de l’homme, et cet agent directeur de l’expérience, une origine purement organique, pour ne parler que le langage de la physiologie.

Est-ce à dire que l’apparition de la vie sur le globe ait été un miracle, un fait surnaturel ? A mon avis, non. La rareté d’un phénomène ne le place point, pour cela en dehors de l’ordre naturel ; elle montre seulement que les conditions nécessaires pour le produire, ne se rencontrent que rarement. Pareillement, de ce qu’un phénomène qui s’est produit il y a des myriades d’années ne se passe plus sous nos yeux. Il faut simplement en conclure que les conditions nécessaires à la production n’existent plus. Tel est précisément le cas pour les végétaux et les animaux, qu’ils soient originairement issus d’êtres non semblables à eux, et qu’ils se soient graduellement modifiés sous l’influence des milieux, ou qu’ils aient surgi tout formés par le jeu de forces ne pouvant plus se faire jour, mais qui reprendraient leur effet si les conditions cosmiques redevenaient ce qu’elles ont été dans le principe. Dieu, toujours présent dans l’univers, ne s’est pas retiré de son œuvre après la création,