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par son légitime instinct d’orgueil national, elle aime à être comptée ; elle voudrait avoir un rôle, une opinion dans les mêlées contemporaines, et de là des mouvemens contradictoires qui finissent souvent par de la confusion, quelquefois aussi par des déboires, à travers lesquels perce trop un sentiment dominant de méfiance et de mauvaise humeur vis-à-vis de la France. Je ne veux plus parler de cette affaire du Mexique où l’Espagne, on le sait, se jetait la première tête baissée, pour s’en évader en quelque sorte la première, et qui a été le plus clair témoignage de cette politique qui veut et ne veut pas. Cette difficulté, je l’avoue, avait disparu dans les rapports de la France et de la Péninsule, non cependant sans laisser quelques traces.

Deux questions tout au moins pesaient sur la politique extérieure espagnole au mois de septembre 1864. L’Espagne en était encore à reconnaître l’Italie. Elle avait sans doute plus que tout autre état des intérêts de dynastie qui étaient blessés, des intérêts religieux à sauvegarder ; mais ce qu’il y avait d’étrange, c’est-que, relevée par une guerre d’indépendance en 1808, rajeunie par une révolution en 1834, elle restait obstinément dans une attitude d’hostilité vis-à-vis d’une révolution de nationalité et de liberté. Puissance constitutionnelle, elle s’asservissait à un système qui aurait pu être celui d’un Ferdinand VII ou d’un duc de Modène se vantant de n’avoir jamais reconnu le gouvernement français de 1830 ou l’empire, et par le fait elle était moins avancée que les puissances absolutistes de l’Europe. Pendant que la Russie elle-même reconnaissait l’Italie ; elle en était toujours à entretenir un ambassadeur auprès du roi François II à Rome, et elle confondait sa politique avec celle de l’Autriche, sans s’apercevoir que ce qui était naturel à Vienne ne l’était plus à Madrid, que cette réserve, d’ailleurs parfaitement impuissante, n’était que l’expression d’une mauvaise humeur dont elle avait à souffrir plus que l’Italie. C’était assurément une situation aussi bizarre, aussi embarrassée que stérile. D’un autre côté, l’Espagne se voyait engagée depuis peu dans un puéril et désastreux imbroglio sur les côtes de l’Océan-Pacifique. Pour obtenir la réparation de quelques méfaits dont avaient eu à souffrir quelques Basques fixés sur le territoire péruvien, elle avait commencé par commettre la faute d’envoyer, au lieu d’un plénipotentiaire ordinaire, Un agent revêtu du titre vague et énigmatique de commissaire royal, qui sentait l’ancienne suprématie métropolitaine, et, par cet agent exalté de l’importance de sa mission, elle se trouvait sans le savoir ; sommairement et sans déclaration de guerre, mise en possession des îles Chinchas, qui sont la richesse du Pérou. On avait donné à cet acte le nom de revendication, comme l’annexion