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extérieure nouée pour ainsi dire en Europe, ou engagée dans des aventures en Amérique, une tension intérieure allant jusqu’à se traduire en un malaise public chaque jour plus sensible, en anomalies confuses, c’était là, au vrai, la situation de l’Espagne à ce moment d’une crise peut-être décisive, et si je rassemble ces traits, c’est pour en dégager, comme une nécessité souveraine, ce qui était évidemment à faire, la politique qui s’imposait. Naturellement à un ministère nouveau. Des difficultés, on en trouverait assurément, et des plus graves, dans les choses et dans les hommes, l’union libérale, qui venait de se voir près de rentrer aux affaires, se reconstituerait sans doute sous l’autorité du général O’Donnell, et se formerait en opposition ; les semi-absolutistes ou néo-catholiques deviendraient peut-être des ennemis, surtout si on reconnaissait l’Italie ; les modérés, qui se sont appelés historiques et qui aiment la stabilité, s’inquiéteraient s’ils voyaient du mouvement, et resteraient froids en attendant de devenir dissidens sous quelque chef nouveau ; les progressistes attendraient peut-être avant de se décider à rentrer dans la vie publique, affaiblie par leur absence. Voilà les difficultés ; voici ou étaient la force et la possibilité du succès. Elles étaient dans l’autorité d’une conception nette et résolue, d’une volonté sérieuse et ferme chez les nouveaux ministres, elles étaient dans le pays lui-même, à qui on allait s’adresser par des élections pour inaugurer une situation nouvelle, — dans le pays, qui était fatigué, qui sentait le besoin de trouver la sécurité dans l’équité, et dont on pouvait se faire un auxiliaire par l’ascendant d’une pensée conciliante et réparatrice ; mais pour en arriver là, pour gagner le pays autrement que par des tours de scrutin, pour lui faire accepter des choses toujours pénibles à l’orgueil national, comme l’abandon de Saint-Domingue, des nécessités toujours dures, comme une liquidation financière, il fallait évidemment le rassurer, lui inspirer confiance, le débarrasser des fantômes de réaction, lui rouvrir une voie régulière et sûre ; il fallait en un mot une politique à laquelle je donnerai son véritable nom en l’appelant une politique de libérale initiative, pratiquée par des conservateurs intelligens, pénétrés des nécessités de leur temps.


II

Est-ce là ce qu’a fait le cabinet né le 16 septembre 1864 sur les ruines de trois ministères ? Est-ce pour l’avoir tenté qu’il est tombé, et que, ruine à son tour, il n’a plus été bientôt que le piédestal d’une résurrection de l’union libérale, qu’on croyait, il y a un an à peine, pour longtemps impossible ? La vérité est que, dans son