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aujourd’hui, une immense perte de capital national, perte pour le trésor, perte pour le commerce, perte pour les classes productives, perte qui ne serait pas au-dessous de 2 milliards !… » C’est alors que M. Barzanallana proposait avec plus de hardiesse que de succès une anticipation d’impôts de 600 millions de réaux représentée par des obligations hypothécaires remises aux contribuables. Contre cette proposition tous les partis se soulevaient, et M. Barzanallana, d’ailleurs peu soutenu par le ministère, se retirait plutôt que de se laisser enfermer dans un cercle d’impossibilités.

Autre étape dans l’administration économique du cabinet Narvaez. Cette fois c’est M. Alejandro Castro, la veille encore président du congrès, compagnon de M. Gonzalez Bravo dans son opposition contre le général O’Donnell, qui est ministre des finances. Les circonstances politiques sont déjà fort aggravées ; que va faire M. Alejandro Castro ? Celui-là est un modéré assez emporté, c’est un ministre des finances un peu fier et glorieux, qui ne veut pas se laisser mettre en état de siège par les créanciers étrangers. L’administration de M. Castro, sans parler de quelques économies de détail par lesquelles il a pensé rétablir l’équilibre dans le budget, cette administration se résume dans deux faits qui se passaient au mois de mai, — un placement de billets hypothécaires et une émission de titres de la dette. M. Castro ne reprenait pas le projet de M. Barzanallana, il le transformait ou il le gâtait en réduisant la somme de 600 millions à 300 millions, en présentant l’opération sous la forme d’un emprunt volontaire pour la moitié ou pour le tout, avec la faculté, si la souscription volontaire était insuffisante, d’imposer le surplus aux contribuables les plus haut taxés ; mais, hélas ! voici où est la déception cruelle. Le jour où l’opération s’ouvrait, quoique le gouvernement eût réduit le prix de négociation de ses billets à 88 au lieu de 100, il ne s’est trouvé de souscripteurs volontaires que pour 55 millions ; le reste va peser sur les contribuables, de telle sorte que cette opération est, à tout prendre, l’idée de M. Barzanallana forcément reprise, appliquée seulement dans des conditions plus mauvaises, incomplètes et inefficaces. Notez qu’avec une confiance un peu précipitée dans l’affluence inévitable des capitaux, M. Castro avait annoncé fièrement qu’il n’aurait sûrement pas besoin de recourir à l’imposition forcée. Quant à l’émission de titres de la dette qui se faisait peu après et devant laquelle M. Barzanallana avait reculé comme devant un expédient ruineux ; elle était l’application d’une loi du 25 juin 1864 autorisant le gouvernement à se procurer par cette voie 600 millions, et elle a eu tout juste autant de succès que le placement des billets hypothécaires ; qui devait, disait-on, dispenser de cette mesure extrême. En réalité, l’état se trouve avoir émis ses titres à un