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viagère que le nouveau vicaire reçoit à son installation dans la paroisse et qu’il est tenu de transmettre intacte à son successeur. Malheureusement les biens spirituels, quand ils sont composés de brique et de mortier, ne se montrent pas plus que d’autres à l’abri des injures du temps, et, pour que le bâtiment pût durer toujours, il faudrait au moins qu’il fût souvent réparé. Or comment en serait-il ainsi ? Il y a des paroisses où les revenus du vicaire ne se trouvent point du tout en rapport avec la magnificence du vicarage ; l’entretien de la maison est alors pour lui une lourde charge, et si son caractère religieux ne lui imposait la résignation, j’imagine qu’il maudirait volontiers cette riche demeure qui le fait si pauvre. N’arrive-t-il pas aussi tous les jours que le pasteur vieillisse, — c’est la loi commune, — et qu’incapable de veiller sur ses propres intérêts, il oublie ceux de son successeur ? Peu à peu les pierres tombent avec les forces de l’homme qui déclinent, le plancher tremble sous ses pas mal assurés, les toits s’affaissent au-dessus de sa tête courbée, et le bâtiment tout entier participe à la triste décrépitude de celui qui l’habite. En pareil cas, le successeur a le droit d’intenter une action soit au dernier occupant, s’il vit encore, soit aux héritiers ; mais d’abord son bon cœur lui interdit très souvent de telles poursuites. Je suppose pourtant qu’il les entame ; deux inspecteurs sont alors nommés par chacune des parties intéressées pour examiner l’état des lieux, et un tiers cherche à régler le différend. La tâche de l’arbitre est plus difficile qu’on ne le croirait dans l’état actuel de la législation anglaise : il s’ensuit quelquefois un procès qui dure des années, et pendant lequel les deux avocats se disputent pied-à pied le terrain, — c’est la maison que je devrais dire, — enlevant d’assaut par des efforts successifs d’éloquence aujourd’hui les escaliers, demain les fenêtres, plus tard les toits. Encore faut-il que le dernier occupant ait laissé de quoi couvrir les frais de réparation. C’est ainsi que certains presbytères de la Grande-Bretagne sont tombés dans un état de ruine (dilapidation) constaté par plus d’une enquête.

Le presbytère fait partie de la charge ecclésiastique, ou, si l’on veut, du bénéfice, living. À qui maintenant ce bénéfice appartient-il ? Le plus souvent à ce qu’on appelle ici les patrons de l’église[1].

  1. Sur 11,728 benifiées qui existent en Angleterre et dans le pays de Galles, 1,144 sont entre les mains de la reine, qui les donne par l’entremise du lord-chançelier ; 1,853 se distribuent par les archevêques et les évêques ; 938 se trouvent à la disposition des doyens et des chapitres ; 170 dépendent des universités d’Oxford et de Cambridge, ainsi que de grands collèges tels que Eton, Winchester, etc., 931 sont concédés par les ministres des églises-mères (on appelle église-mère celle dont on a détaché des succursales), et le reste (c’est-à-dire 6,092) relève de particuliers qu’on nomme patrons.