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Une demi-heure avant le dîner, tout le monde se retire dans ses chambres pour s’habiller. La cloche sonne, on descend, et dans le salon se trouvent le plus souvent quelques personnes invitées par le maître ou la maîtresse de la maison. Il est dans les habitudes des vicaires anglais de recevoir ; ces rapports de table entretiennent un lien entre l’église et les familles charitables de la paroisse. Après le dîner, qui se passe à la manière britannique, les femmes d’abord, puis les hommes, rentrent dans le salon, où l’on prend le thé et où l’on fait de la musique. Quelques vicaires, en petit nombre il est vrai, ont eu, dans ces derniers temps, l’heureuse idée d’inviter une fois par semaine à leurs soirées les fermiers et un autre jour les laboureurs eux-mêmes. Si l’exemple était suivi, ce serait un excellent moyen d’élever les classes inférieures. La société se retire vers onze heures, et, le salon étant rendu à la solitude, le pasteur y récite en famille la prière du soir. Ce petit nombre de pratiques très simples s’observe d’ailleurs dans beaucoup d’autres maisons anglaises : où est donc alors l’originalité du presbytère ? Elle consiste dans un parfum de mœurs antiques, dans la sainteté des rapports sociaux unis à la vie de famille, et dans le rayon que jette sur un intérieur calme et réglé le reflet des idées religieuses.


II

Le grand jour où s’exercent en public les fonctions du pasteur est naturellement le dimanche. Ce jour-là, les cloches de l’église s’éveillent vers dix heures et demie du matin et appellent les fidèles au service religieux. Quelques paysans sont déjà réunis par groupes dans le cimetière : c’est un lieu de rendez-vous, une sorte de forum rustique où l’on discute parmi les tombes les intérêts des vivans. Le dimanche enlève la rouille de la semaine : on s’habille, on se rassemble, et l’homme isolé pendant le reste du temps renoue certains rapports avec la vie sociale. C’est à qui fera meilleure figure aux yeux du village : les jeunes filles surtout cherchent à relever les avantages de leur personne en portant sur elles avec orgueil le fruit de leurs économies. Le pasteur ne tarde pas cependant à traverser le cimetière pour se rendre à la sacristie, il est salué au passage par de graves paysans dont le visage respire la franchise. Si le ciel est pluvieux ou bien encore si c’est le temps de la moisson, il arrive quelquefois que son auditoire se montre peu nombreux. Il a en pareil cas l’art de cacher une réprimande sous un air d’intérêt bienveillant et de sollicitude. Questionnant les paroissiens l’un après l’autre, il leur demande des nouvelles de leur femme, de leur mère, de leur fils. Seraient-ils malades, qu’il ne les voit point à l’entrée de l’église ? Les braves gens comprennent et balbutient