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l’église, — honneur dangereux, et qui soulève le plus souvent bien des jalousies entre les habitans du village. Il arrive presque toujours que le nombre des pews (sièges) n’est point suffisant pour les paroissiens ; on est alors obligé de ranger les pauvres sur des bancs de bois, — les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, — le long des ailes de l’édifiée. Les pauvres ne disent rien ; mais cette distinction dans la maison de celui qui « ne fait aucune acception des personnes » n’en est pas moins assez blessante pour la dignité humaine. les church-wardens exercent en outre un certain contrôle sur la conduite et sur les doctrines du pasteur. Ce dernier, on l’a vu, n’a presque rien à craindre de l’autorité ecclésiastique ; mais il a beaucoup à compter avec son auditoire. La constitution présente de l’église anglicane laisse aux recteurs et aux vicaires une grande liberté d’opinions religieuses : le frein, on ne le croirait point, est dans les paroissiens eux-mêmes. Les laïques ne jouissent, il est vrai, sur le pasteur que du droit d’intervention morale : leur résistance serait au besoin toute passive ; mais elle n’en opposerait pas moins une barrière à certaines tendances rationalistes. L’alliance intime qui règne entre l’état et l’église a ainsi sa source beaucoup plus bas, dans les rapports constans entre la nation et le clergé. La foi nationale est un héritage commun sur lequel veillent surtout dans les campagnes toutes les classes de la société. Il y a deux ou trois ans, un pasteur de l’église anglaise adressait à ses church-wardens une lettre touchante en leur annonçant sa résignation volontaire d’un bénéfice qu’il occupait depuis plusieurs années. Avec le temps, disait-il, ses idées avaient changé, et il se trouvait toujours, comme ministre du culte, en face de dogmes immobiles, d’un livre de prières consacré par l’usage, ainsi que d’un auditoire qui était en droit d’attendre de lui un enseignement conforme aux doctrines de l’église anglicane. Sa position dans la chaire n’était plus tenable, et il l’abandonnait. Il est très rare qu’un clergyman se retirant de l’église établie pour de tels scrupules se rattache à une autre secte religieuse : il ne ferait ainsi que resserrer ses chaînes, car la plupart des dissidens croient encore plus étroitement que les orthodoxes à la lettre de la Bible.

Au vicaire appartient généralement dans les campagnes la direction des œuvres de charité. Les Anglais, si l’on excepte certains cas extraordinaires, ne sont point du tout partisans du système de secours directs : le plus grand service qu’on puisse rendre, selon eux, aux classes nécessiteuses est de leur apprendre à se passer de l’assistance publique. Il s’agissait alors de trouver un moyen pour dissimuler l’aumône, et ce moyen est l’association assise sur de certaines bases. Dans presque tous les villages de l’Angleterre, il existe des clubs qui sont à la fois des caisses de secours et des caisses