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donc volent les oiseaux, et d’où leur vient ce privilège ? ― On peut répondre qu’il leur vient de leur constitution physiologique, qui les rend aptes à développer sous un très petit poids une force considérable. Puisque les oiseaux volent, c’est donc qu’ils remplissent les conditions que nous avons indiquées déjà comme nécessaires pour l’automotion aérienne. Il pèsent mois de 12 kilogrammes par force de cheval, ils pèsent même d’ordinaire beaucoup moins. En voyant l’énorme disproportion qui se manifeste ainsi entre les forces relatives de l’homme et de l’oiseau, certains aviateurs s’étonnent ; ils nient l’exactitude des faits qu’on leur présente. « Vous négligez, disent-ils aux physiciens, une foule de considérations importantes. Il y a dans le phénomène du vol tout autre chose que la simple question dynamique. Quand l’oiseau vole, la pesanteur est supprimée pour lui, ou peu près, car le premier, principe du vol soutenu chez l’oiseau est qu’il ne laisse, jamais, commencer sa chute : » réflexion bizarre, et que nous rapportons à cause de sa singularité même ! Ceux qui raisonnent ainsi doivent bien se persuader qu’en décomptant le travail des forces mises en jeu par le vol de l’oiseau, il faut bien faire état de la pesanteur dans son intégralité et sans en rien rabattre. Que dirait le tribunal de commerce, si un négociant, en établissant son bilan, refusait d’y faire entrer une de ses dettes, ou en demandait l’atténuation, sous prétexte qu’il n’a jamais commencé à la payer ? On conçoit d’ailleurs combien le problème de la locomotion aérienne se trouve simplifié dans l’esprit de ceux qui comptent faire naviguer dans l’air des corps pesans sur lesquels la pesanteur n’agira pas ou n’agira que très peu !

Revenons à l’oiseau, essayons d’analyser les conditions de son vol. deux faits nous frapperont d’abord : la perfection de ses organes de locomotion et la puissance du foyer qui donne le branle à ces organes. Bien que dans l’ordre d’idées où nous sommes engagé, nous voulions surtout mettre en lumière le second de ces deux faits, nous ne pouvons nous refuser à donner quelques indications sur le mécanisme ingénieux des ailes de l’oiseau. Tout y est disposé pour que, dans leur mouvement descendant, elles appuient fortement sur l’air, et pour qu’au contraire elles n’éprouvent qu’une très faible résistance dans leur mouvement ascendant. Les plumes glissent les unes sur les autres, à la façon des plis d’un éventail, afin que l’aile puisse diminuer de surface en se relevant. Les barbes des grandes plumes sont placées de telle sorte qu’à la descente elles restent appliquées par la pression de l’air contre les plumes voisines, et forment ainsi comme un plan continu ; quand l’aile monte, elles s’écartent au contraire sous l’influence de la pression supérieure.