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ses admirateurs, — elle en avait déjà beaucoup, — lui firent ce quatrain :

Le timide embarras qui naît de la pudeur,
Bien loin d’être un défaut, est une belle grâce.
La modeste vertu ne connaît pas l’audace ;
Ni le vice effronté l’innocente rougeur.


Elle prit du moins au sérieux son nouveau rôle en rédigeant pour le plaisir de Gustave III ces curieux bulletins de nouvelles que nous avons publiés ici pour la première fois et qui contiennent, vivement contée, la chronique amusante de la cour, du théâtre et de la ville.

Il semblait que M. de Staël eût recueilli à lui seul, tous les fruits de cette bonne renommée des Suédois à Versailles ; il pensait avoir édifié sa fortune à toujours, ayant fait de cette assurance la condition d’une sorte de traité consenti par deux souverains. Tout cela était bien combiné : il ne fallut rien moins que la révolution française, dans laquelle nous le verrons mal engagé, pour dissiper le petit édifice que son ambition avait construit. L’éclat de la gloire resta du moins, de par son mariage, attaché à son nom, que la France adopta.

Aux trois exemples de Stedingk, Fersen et Staël, nous aurions pu en ajouter beaucoup d’autres pour montrer combien, de leurs compatriotes venaient mériter un bon accueil parmi nous. Les seules archives de notre ministère de la guerre nous eussent offert une suite de noms suédois illustrés par une belle conduite sous nos drapeaux avant de l’être pareillement dans les guerres que soutint Gustave III. J’y trouve ceux de l’héroïque Döbeln, que le poète finlandais Runeberg a si dignement célébré, — du baron de Lieven, le même qui était venu, en 1772, annoncer à Louis XV le succès de la révolution du 19 août, et qui prit une part glorieuse à trois de nos grandes batailles navales, — de Wachtmeister, Sprengtporten et bien d’autres à qui un rôle était préparé, dans la suite du règne de Gustave III. — C’étaient là les vrais représentans, les vrais chargés de missions du roi de Suède auprès de la cour de France et de l’opinion. Fier de leurs succès, dont il voulait être solidaire, il se sentait impatient de venir réclamer lui-même une part de la récompense.


II

Dès le printemps de l’année 1780, notre ambassadeur à Stockholm écrit que Gustave III semble résolu à faire chaque été un voyage sur le continent : il se propose surtout, dit-il, d’achever enfin cette visite à Paris qu’il n’a pu qu’ébaucher naguère. La