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mont ne retire pas sa candidature, il va essuyer un échec éclatant qui lui fermera à jamais la carrière politique.

15 septembre.

Vous vous demandez où le sud a puisé ses forces, et par quelle vertu secrète il a trouvé en lui-même de quoi résister trois ans à un ennemi dix fois plus fort. La réponse est facile : le sud a puisé sa force dans la complicité d’une partie du nord. On s’est habitué chez nous à ne voir dans toute l’insurrection du sud qu’un essai d’indépendance nationale ; on oublie qu’avant d’être une nation séparée, la rébellion était un parti politique, et que la guerre n’a point brisé le lien qui l’attache à ses adhérens du nord. De même qu’il y a au sud des unionistes opprimés, il y a dans le nord des sudistes qui font une guerre persistante à l’Union. Il y a six semaines, le bruit courait qu’il s’était formé dans l’ouest une grande association secrète, une sorte de charbonnerie de l’esclavage, militairement organisée, dont le grand-maître, nommé par le président des confédérés, était le célèbre Vallandigham. On ajoutait à la nouvelle toute sorte de broderies américaines, toute sorte de détails terribles et ridicules ; en peu de jours, les journaux républicains, trop prompts à la propager, réussirent à la rendre absurde et à faire lever les épaules à tous les gens de bon sens. Il semble aujourd’hui prouvé que la rumeur était vraie, et un récent procès donne de curieux détails sur l’origine et le but de la conspiration.

L’accusé n’est pas Vallandigham, c’est un certain Harrison Dodd, délégué à la convention de Chicago, traduit devant la cour martiale d’Indianapolis, où ont été découvertes les traces du complot. L’ordre des American knights ou des Fils de la liberté semble avoir des adhérens nombreux dans l’Indiana, l’Illinois, le Kentucky et le Missouri. Dodd lui-même et quelques autres y occupent un rang élevé sous les ordres d’un commandant militaire suprême, investi de pouvoirs illimités, et dont le nom reste inconnu. Le credo de la conjuration déclare usurpateur le gouvernement des États-Unis, légitime la rébellion des états du sud, et contient un engagement de prendre les armes au premier signal du chef suprême. Il s’agit de saisir les arsenaux, de mettre en liberté les prisonniers de guerre, de leur donner des armes et d’ouvrir le territoire aux rebelles. En attendant, les affiliés s’engagent à empêcher de toutes leurs forces le recrutement de l’armée fédérale. Je ne dis pas que ce soit bien terrible : peut-être les soixante-dix ou quatre-vingt mille affidés dont se vantent les registres de l’ordre dans les seuls états d’Indiana et d’Ohio n’existent-ils que sur le papier ; mais ce complot n’en prouve pas moins l’existence dans les états du nord d’un parti de rebelles aussi décidé et plus audacieux encore que celui de Richmond.