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fine qu’ils ne peuvent supporter l’étrille, et que le pansage, répété plusieurs fois par jour, est fait à la brosse. Il est très difficile de visiter les écuries, car on a eu des exemples de chevaux empoisonnés par de prétendus curieux. Toute l’écurie est placée sous la direction d’un entraîneur, qui a sous ses ordres les garçons d’écurie, jockeys, etc. C’est lui qui a la responsabilité de tout l’établissement, qui ordonne les exercices, surveille la nourriture et délivre à chaque enfant pour chaque repas la quantité d’avoine nécessaire. Comme c’est de son habileté que dépend le succès des chevaux, il participe à la gloire et aux bénéfices qu’ils procurent. Aussi les bons entraîneurs sont-ils des hommes précieux et très bien payés. La plupart sont attachés au service spécial d’un sporstman et exclusivement chargés de son écurie ; mais il y a aussi des entraîneurs publics qui, ayant leur écurie à eux, entraînent à forfait et à prix débattu les chevaux de ceux qui les honorent de leur confiance. Presque tous sont des Anglais et sont venus s’installer avec leurs femmes et leurs enfans à Chantilly, où ils forment une véritable colonie.

L’entraînement a pour objet d’habituer peu à peu les chevaux aux dures épreuves qui leur sont réservées ; il repose sur le principe de la gradation des exercices. On ne procède jamais aux travaux qui exigent un grand déploiement de force avant que l’habitude ait naturalisé ceux qui en demandent un peu moins. Si l’on voulait aller trop vite, on risquerait soit de donner au cheval une toux chronique, soit de provoquer l’inflammation des articulations. La première préparation consiste dans un exercice journalier au pas, de trois ou quatre heures, pendant une quinzaine de jours, afin de donner à l’animal de l’appétit, d’assouplir son système musculaire et d’affermir ses jambes. Ce résultat obtenu, on commence les suées, qui ont pour objet de durcir les membres et de diminuer les parties graisseuses. On revêt pour cela le cheval d’un drap appelé sweater et d’un camail en laine ; quand on veut réduire certaines parties spéciales, comme les épaules, on y adapte une couverture supplémentaire qu’on fixe au moyen de courroies. Le lad fait alors parcourir à son cheval ainsi accoutré une distance de 6 à 7 kilomètres, d’abord à un galop régulier, puis à fond de train, sans cependant atteindre jamais l’extrême vitesse ; il le ramène au pas à l’écurie, le charge de nouvelles couvertures jusqu’au moment où la sueur commence à couler en abondance. Il enlève ensuite les couvertures, puis se met, avec quatre de ses compagnons, à frictionner l’animal avec vigueur, et ne s’arrête que lorsqu’il est complètement sec. Il lui fait faire ensuite une petite promenade et le ramène définitivement à l’écurie. On répète ordinairement les suées tous les quinze jours, en continuant dans l’intervalle les exercices au pas