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en Europe sont un fait naturel, logique, nécessaire ; c’est en Allemagne qu’est le nœud de cette solidarité. Supposez les forces de la confédération germanique concentrées entre les cours qui représentent les doctrines de droit divin, d’aristocratie, et qui, par le partage de la Pologne, sont rivées à l’autocratie russe : l’équilibre matériel du continent est rompu au détriment de la France. Que deviendrait alors notre pays, si, par une erreur funeste, il était contenu à l’intérieur par des entraves qui paralyseraient l’expansion libérale de l’esprit, français ? Se soumettrait-il à un état de choses qui livrerait les destinées du continent européen à l’alliance absolutiste du Nord, et de l’Orient ? Essaierait-il de restaurer l’équilibre et de défendre, au fond son indépendance par des guerres de conquêtes et des combinaisons empruntées aux traditions de l’ancien régime, telles que celles auxquelles Napoléon eut recours, et qui furent si fragiles aux mains de ce géant du passé ? Recommencerions-nous à combattre l’une après l’autre les grandes puissances militaires, à conclure avec elles d’éphémères traités, à nouer de menteuses alliances monarchiques, à bâtir sur l’érection de royautés ridicules des confédérations du Rhin artificielles ? Un triste abaissement, ou de violentes et stériles aventures, voilà les perspectives qu’ouvrent à la France les arrangemens conclus en Allemagne contre elle et sans elle, si la France ne répond point à la politique des cours du Nord par un prompt et vivace réveil d’esprit libéral et démocratique.

Ce serait s’exposer volontairement à une déception puérile que de compter, pour le redressement des derniers actes de la Prusse et de l’Autriche, sur une résistance quelconque des états moyens de la confédération et de la diète de Francfort. Dans la situation présenté, il n’y a, pour la France, aucun fond à faire sur les velléités d’indépendance des états moyens. Nous avions protesté contre une rêverie semblable, lorsqu’au commencement de 1864 on avait l’air ici de caresser les états secondaires et de compter beaucoup sur eux. Ce qui était imaginaire avant la conquête du Slesvig par les Austro-Prussiens est devenu bien plus chimérique aujourd’hui que la diète est écrasée par le fait accompli. Les populations des duchés essaient, il est vrai, de s’adresser à la diète ; mais en agissant ainsi elles ne font qu’abriter sous une forme légale une protestation impuissante. Autant les petites cours faisaient blanc de leur épée à la fin de 1863, autant on doit s’attendre à les trouver plates maintenant. Les petits états du nord, le Hanovre lui-même, qui parfois a de courtes velléités d’indépendance, après le coup de puissance que vient d’accomplir M. de Bismark, se rangent auprès de la Prusse dans une situation d’obscure et craintive vassalité ; les petits états du midi et du centre, accoutumés au patronage de l’Autriche, ne peuvent que s’incliner avec découragement devant l’abandon de la cour de Vienne. Ce qu’on pourrait appeler le manège intérieur de la confédération germanique est une chose si connue et si percée à jour qu’on s’étonne chaque fois que les gouvernemens de France et d’An-