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donc point disposés à prêter une grande importance politique aux entrevues qui ont eu lieu à Saint-Sébastien et à Biarritz entre l’empereur et la reine d’Espagne. La politique du gouvernement français, c’est une justice à lui rendre, a ménagé les susceptibilités espagnoles, et n’a point pesé sur le cabinet de Madrid par d’importunes prétentions d’influence. La France n’a donné et ne donne aucun ombrage à l’Espagne. C’est à peine si à la réception du dernier ambassadeur venu de Madrid l’empereur s’est permis une allusion inoffensive à l’instabilité à laquelle les fréquens changemens de ministère soumettent les honorables membres de la diplomatie espagnole. L’ambassadeur de Madrid qui inaugurait sa mission dans cette circonstance donnait justement matière à la souriante épigramme impériale M. Bermudez a été en effet le chevalier du pauvre roi de Naples détrôné qui abrite au palais Farnèse sa royauté défunte ; peut-être eût-il préféré le poste de Rome à celui de Paris, s’il n’eût fallu compter avec la cour romaine ; peut-être aussi sommes-nous destinés à le posséder fort peu de temps, s’il est vrai, comme le télégraphe l’assure, que son frère, M. Bermudez de Castro, songe à quitter déjà le ministère des affaires étrangères. En vérité, l’on est injuste envers la reine d’Espagne quand on lui attribue le désarroi des affaires espagnoles. Il n’est point de pays où un aussi grand nombre d’hommes politiques aient été admis à donner au pouvoir la mesure de leurs idées et de leurs talens. Aucun homme politique et aucune combinaison ministérielle possible n’ont le droit de se plaindre d’avoir rencontré un obstacle dans la volonté de la reine. Tout a été essayé, chacun a été mis à l’épreuve ; rien ni personne n’a pu rester. Il ne faut pas parler des influences de camarilla ; les hommes politiques supérieurs gagnent ces influences ou les domptent. Si un véritable homme d’état se fût montré capable de gouverner à la satisfaction de l’Espagne, il eût su venir à bout de toutes les camarillas, et la volonté publique eût su l’imposer aux répugnances de cour. Que les hommes politiques d’Espagne n’accusent qu’eux-mêmes de la versatilité et de la stérilité dont le pouvoir semble frappé dans ce pays. Il n’y a certainement aujourd’hui en Espagne pas moins d’hommes d’esprit qu’aux temps de Gil Blas ou de Figaro ! Il est curieux qu’il ne vienne à l’idée d’aucun de ces hommes d’esprit de tirer enfin parti des ressources d’un si beau pays et de faire refleurir cette grande et vieille monarchie.

Ce mouvement vers la décentralisation qui nous est venu de Nancy, et auquel nous avons fait accueil comme à un effort utile et à une manifestation opportune de vie politique intérieure, a produit dans la presse un incident vraiment inattendu. Quelques journaux démocratiques, fort peu nombreux il est vrai, se sont scandalisés du mot de décentralisation, ont dénoncé des embûches dans le plan proposé par les publicistes de Nancy, et n’ont pas voulu admettre que des tendances qui ont la mauvaise chance d’être approuvées par MM. de Falloux et de Montalembert pussent mériter d’être