Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/599

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contemporains nous apprennent qu’entouré dès le début, d’une troupe de quarante artistes, — architectes, peintres ou sculpteurs, — Lorenzo Maitani avait institué une sorte de conseil où siégeaient les chefs de chaque corporation, qu’en s’en réservant la présidence il s’était réservé aussi le droit de statuer en dernier ressort sur toutes les questions, de reviser tous les projets, et que, en vertu de l’autorité que lui donnaient ses rares talens, il entendait bien moins recevoir des avis que dicter et faire exécuter des ordres. Quoi de plus naturel dès lors que de supposer une intervention directe de ce « maître des maîtres » dans la composition ou tout au moins dans la disposition logique des bas-reliefs de la façade ? L’admiration due aux sculpteurs qui les ont tirés du marbre n’en serait pas compromise pour cela. Les thèmes une fois donnés, il resterait encore le mérite d’en avoir développé les termes, d’avoir su, dans la représentation de chaque scène, dans l’expression de chaque figure, formuler des intentions si grandioses ou si émouvantes qu’elles inspirèrent souvent d’autres beaux travaux, et que Michel-Ange lui-même, en peignant les voûtes de la chapelle Sixtine, ne dédaigna pas de s’en souvenir.

La grandeur, la force pathétique, telles sont en effet les qualités le plus habituellement remarquables dans les bas-reliefs de la cathédrale d’Orvieto. On y retrouve bien les témoignages de préoccupations analogues à celles qui avaient exercé tant d’influence sur la manière de Nicolas de Pise. Les efforts pour se rapprocher de la beauté antique sont sensibles par exemple dans la plupart des scènes qui nous racontent l’histoire primitive, soit que ces efforts résultent ici de l’obligation imposée au sculpteur de modeler presque toujours des figures nues, soit, — et les apparences nous le feraient croire, — que cette partie du travail ait été le lot d’artistes choisis parmi les plus érudits. Ailleurs encore, dans un des plus nobles bas-reliefs de la suite consacrée à l’Histoire de la rédemption, dans une Nativité, le jet de la figure et des draperies de la Vierge, le geste du bras qui soulève le rideau sous lequel est placé le berceau de l’enfant Jésus, tout, — jusqu’à la forme et aux ornemens de ce berceau renouvelé des sarcophages, — rappelle les coutumes et la majestueuse sobriété de l’art antique ; mais à côté de ces lignes calmes et connues, en regard de ces savans emprunts, que de lignes et de mouvemens imprévus, quelle originalité, quelle hardiesse, lorsque le ciseau fait saillir à nos yeux la dramatique image de la Résurrection des morts et les scènes lamentables qui se passent au seuil ou au fond de l’Enfer ! Où trouver un tableau plus saisissant et plus sinistre des anxiétés, des angoisses qui tortureront les consciences, coupables à l’heure où chaque mort