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compromettantes aujourd’hui pour la gloire du chef de l’école, tant de madonne doucereuses et de têtes de chérubins qui semblent accuser les négligences ou les faiblesses de ce talent, et qui n’attestent que l’infatigable activité de ses copistes.

Les terres authentiques de Luca della Robbia unissent à une grâce plus sérieuse dans les intentions une élégance moins prévue dans les formes. Quoique les sujets ne varient guère et que la Nativité, la Vierge en adoration, le Couronnement de la Vierge, soient à peu près les seules scènes reproduites, le soin, sinon la sagacité tout à fait magistrale, avec lequel les traits de chaque physionomie, les ajustemens de chaque figure sont étudiés et rendus, préserve l’œuvre d’une monotonie que sembleraient impliquer les lignes générales et l’aspect uniforme de ces groupes en émail blanc, se dessinant sur un fond bleu, avec des auréoles de couleur jaune pour simuler l’or. Aussi quelques-unes des madonne dues à ce talent judicieux et fin, — celles entre autres qu’on voit au-dessus de l’église d’Ognissanti à Florence et dans l’église du monastère dell’ Osservanza, près de Sienne, — pourraient-elles, pour la grâce du style et la chasteté de l’expression, soutenir la comparaison avec les plus aimables ouvrages des élèves de Donatello. Les terre invetriate modelées par Luca sont au reste assez rares, et cela s’explique par le nombre et l’importance des sculptures en bronze et en marbre qu’il a laissées, les bas-reliefs par exemple qui ornent la porte de la sacristie dans la cathédrale de Florence, et ces autres bas-reliefs représentant des chœurs de chanteurs, de danseurs, de joueurs d’instrumens, destinés primitivement à la décoration des orgues de la cathédrale et transportés depuis longtemps au musée des Offices.

Certes quiconque a vu les Chanteurs à la place qu’ils occupent maintenant se souvient de la spirituelle vraisemblance avec laquelle l’artiste a réussi à figurer l’émission de la voix et la qualité même de chaque organe par la posture plus ou moins souple des personnages, par la contraction inégale des traits, par les mouvemens différens des têtes, les unes à demi renversées, comme pour lancer vers le ciel les sons aigus du soprano, les autres droites, immobiles, s’aidant en quelque sorte de la ligne verticale pour tirer plus énergiquement de la poitrine les notes profondes qui serviront de basse au concert. On aura admiré aussi l’extrême élégance du dessin, la délicatesse du modelé, un fini dans l’exécution en un mot d’autant plus aisément appréciable que l’examen a lieu face à face ; mais lorsqu’on songe que ces bas-reliefs si précieusement travaillés ont dû être une œuvre monumentale, — que, loin d’apparaître, comme aujourd’hui, à la hauteur de l’œil, ils ont été faits pour une place élevée de vingt ou « trente pieds au-dessus du sol, on sent ce