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que le signe singulier par lequel Dieu voulut marquer son alliance avec Abraham n’était point particulier à sa descendance, et peut-être, chez ces autres peuples qui l’avaient adopté, offrait-il aussi un sens mystique, que l’on peut difficilement déterminer, mais qu’on doit admettre comme possible. Nous sommes donc mal informés des croyances de toutes ces nations qui, environnant les Juifs, devaient les inquiéter ou les scandaliser du voisinage de leur idolâtrie, lorsque la prédication mosaïque vint donner aux douze tribus un symbole plus arrêté, un formulaire plus stable, enfin cette ancienne loi, qui a pu se modifier, s’altérer, mais qui n’a point péri. Le rôle important et prolongé que remplit cette loi depuis trois mille trois cent cinquante-six ans qu’elle a été donnée mous est tracé dans l’antiquité avec de précieux détails par l’Ancien Testament, commenté par l’histoire de Flavien Josèphe. Cependant nous connaissons imparfaitement le nombre, les opinions, les tendances des sectes et des écoles qui s’étaient formées au sein ou aux entours de la nation qui l’avait reçue. Ces divisions devaient offrir un trait caractéristique qui s’est conservé jusqu’à nous : c’est que des liens très visibles de consanguinité ethnographique et d’analogie dans les mœurs s’unissaient à des dissidences opiniâtres et à de mutuelles hostilités. Encore aujourd’hui la guerre civile éclate à chaque instant entre les tribus arabes, ralliées cependant par l’unité musulmane. Une telle unité n’existait pas dans le monde sémite du temps où les Juifs formaient une nation. Des dissensions superstitieuses s’ajoutaient à vingt autres causes de discorde. La connaissance exacte de l’état moral et religieux de ces peuplades servirait beaucoup à dévoiler les causes qui ont humainement contribué ou résisté à la formation du christianisme. Aucune partie de son histoire primitive n’est moins éclaircie que celle qui s’est passée en Palestine et dans les contrées environnantes. Nous n’avons aucune notion des obstacles qu’eut à vaincre, des succès que put obtenir la propagation évangélique aux prises avec les opinions et les coutumes des Syriens, des Phéniciens, des Chaldéens, enfin de tous ceux des Asiatiques qui n’étaient devenus ni Grecs ni Romains. Il est probable que sur ce terrain-là elle ne fit pas ses plus grandes ni surtout ses plus durables conquêtes. Quelle était alors et qu’est devenue depuis la situation intellectuelle et morale de ces nations, au sein desquelles s’étaient de bonne heure implantées les magnificences d’une civilisation destinée dès lors à décliner et à se perdre ? On le sait mal, et cependant il le faudrait savoir pour connaître le champ où devaient, cinq ou six cents ans plus tard, germer les semences de l’islamisme.