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qu’à la force. Quelques membres se joignaient à lui ; la crainte de fournir au roi l’occasion d’un coup d’état que les dispositions des autres ordres rendaient facile les arrêta évidemment, et quand le comte de Fersen dit à haute voix ces mots : « Sortons, messieurs ! » personne n’y contredit ; on se dirigea lentement vers la porte : les trois ordres inférieurs restèrent bientôt seuls en présence du roi. Il leur prodigua ses caresses et leur demanda de désigner une députation pour conférer avec lui sur les nouveaux privilèges qu’il voulait leur accorder. Toutefois, après la scène d’humiliation qui venait d’avoir lieu, les sentimens semblaient partagés : un membre influent du clergé rappela au roi sa promesse de ne porter aucune atteinte à la liberté, tandis qu’au contraire un député paysan l’invita, au nom de tout son ordre, à prendre en main, au moins pour six mois, tout le pouvoir qui lui paraîtrait nécessaire au bien de l’état. Pendant ce temps, la noblesse rédigeait une protestation et une justification de ses actes.

Les journées du 18 et du 19 février 1789 se passèrent à Stockholm dans cette agitation mystérieuse et indéfinissable qui précède et annonce les grandes crises. Le roi avait déjà parlé des privilèges qu’il destinait aux trois ordres et des changemens qu’il voulait faire à la constitution, et plusieurs de ses plus dévoués serviteurs s’étaient en vain récriés. Des conciliabules avaient lieu dans la ville ; on allait et venait dans le château ; l’aspect de quelques préparatifs militaires achevait de répandre dans la population un vague pressentiment. Le 20 en effet, on apprend que, sur un ordre du roi, le comte de Fersen, le baron de Geer et plusieurs autres membres des états viennent d’être arrêtés. En même temps la diète est convoquée pour le lendemain 21 en assemblée générale.

Le roi vint à ce plenum ; son langage était cette fois plus modéré. Il affirma qu’il avait entièrement oublié le passé, et qu’il n’avait d’ailleurs jamais entendu faire peser sur tous la faute de quelques-uns ; puis, s’adressant à toute l’assemblée, il rappela en quelques mots la nécessité de prévenir toute division ultérieure, de définir plus précisément les rapports des sujets avec le roi, et de donner enfin aux lois fondamentales la solidité et la clarté nécessaires. Ces courts préliminaires achevés, il dit qu’il avait préparé d’après ces motifs un « acte d’union et de sûreté, » comme il l’appelait, dont il allait donner lecture. Les neuf articles de ce nouvel acte constitutif devaient s’ajouter à celui de 1772 pour augmenter la prérogative royale, et surtout pour conférer aux trois ordres du clergé, de la bourgeoisie et des paysans la plupart des privilèges réservés jusqu’alors à la noblesse. Immédiatement après cette lecture, le roi, sans laisser place à aucune délibération, demanda que le nouvel acte fût accepté. Cette manière de procéder