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était contraire à la constitution, mais nul ne se permit d’en faire la remarque ; l’assemblée répondit par des cris confus. La proposition ayant été renouvelée, on put se convaincre que la noblesse à peu près entière la rejetait, mais que l’ordre des paysans en masse criait oui ! avec de grandes clameurs. Quant aux prêtres et aux bourgeois, c’étaient surtout les abstentions qu’on pouvait distinguer. Gustave n’en prit pas moins acte d’un prétendu assentiment des trois ordres inférieurs, obtint la signature de leurs orateurs, et força ensuite le maréchal de la diète, président de l’ordre de la noblesse, à donner aussi la sienne, sous prétexte que le consentement de trois ordres entraînait celui du quatrième. L’acte « d’union et de sûreté, » contre lequel la noblesse ne cessa de protester, ne figura point dans le résumé officiel des opérations de la diète, qui seule sanctionnait les résolutions des états : on ne l’imprima et on ne le publia qu’après la session, comme une simple ordonnance ; mais Gustave III ne s’était pas abstenu de l’envoyer comme loi du royaume, dès le 21 février, à l’armée de Finlande.

Restait l’affaire importante des finances, sur laquelle Gustave III rencontrait encore une opposition absolue de la noblesse. Elle refusait de voter à l’avance pour plus de deux années les subsides que les trois ordres inférieurs avaient accordés pour un temps indéterminé et jusqu’à la convocation d’une nouvelle diète ; c’était lier les mains au roi et l’empêcher de se passer de la représentation nationale. Gustave, enivré par l’apparent succès de sa première proposition, résolut d’enlever ce second vote par la ruse ou par la force et de congédier les états pour le plus long temps possible après cette nouvelle victoire. Il faut, pour avoir une idée de l’imprudence aveugle avec laquelle Gustave III se précipitait dans l’illégalité et faisait appel même à l’émeute, entendre le récit de notre ambassadeur, témoin oculaire :


« La diète, écrit M. de Pons, vient d’être terminée le 28 avril par un dernier coup d’autorité. La noblesse refusant de prolonger au-delà de deux années la perception des impôts, le roi avait résolu de l’y forcer. Le dimanche 26, les suppôts de la police furent employés à réunir les artisans, garçons de métiers, portefaix, qu’elle enivra dans les cabarets des faubourgs ; on les exhortait à aider le roi, qui voulait le lendemain, disait-on, soumettre enfin la noblesse. Les troupes bourgeoises furent averties de se tenir prêtes au premier signal ; le même ordre fut donné aux régimens d’artillerie. Le lundi matin, on fit boire encore la populace, on lui donna des bâtons et on la dispersa par pelotons dans les différens quartiers, surtout près de la maison des nobles. Gustave lui y vint lui-même, à onze heures ; il était arrivé en voiture avec sa suite, mais des chevaux attendaient, tout sellés, sur la place. Aussitôt que le roi fut entré, une foule énorme envahit les escaliers et les corridors. Chacun des quatre ordres était réuni dans sa chambre particulière… Gustave III se rendit à