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connu sur tout le littoral du Pacifique. Pio Quinto jouissait d’une belle réputation de coupeur de grands chemins. La qualité d’honnête homme, qu’il invoquait fit qu’on lui posa cette alternative : ou être pendu sans confession à un arbre de son choix, comme faisant partie d’une bande de braves gens pris en flagrant délit d’espionnage et de commerce de munitions de guerre, ou conduire nos soldats la nuit suivante vers la retraite de ses dignes compagnons. À ce prix, la vie lui était assurée, mais rien de plus. La crainte de mourir sans confession lui fit agréer la seconde proposition ; le désir même d’obtenir un peu plus que la vie lui arracha une confidence. Pio Quinto déclara que la nuit suivante il devait y avoir à Rodeo de Palmas une grande partie de monte, et que les principaux guérilleros s’y étaient donné rendez-vous. Avant d’arriver à ce point, ajoutait-il, le chemin menait à Rincon de Pañas, où serait sans faute embusqué un avant-poste de l’ennemi.

Ce même soir, Medellin s’amusait ; toute la société de la ville était invitée à une grande réunion ; par ordre, tous les officiers de la contre-guérilla y allèrent danser. L’ordre fut exécuté avec d’autant plus d’entrain que les Mexicaines se montraient depuis peu aussi gracieuses qu’élégantes, et que, selon toute probabilité, les guérillas paieraient les violons. A minuit, un cavalier vint annoncer au colonel que tout était prêt. Sans perdre de temps, ce dernier regagnait au galop, près du débarcadère du chemin de fer, une colonne légère composée de quarante cavaliers, de cinquante fantassins et de vingt fusiliers de marine. En écartant les branches, on entra sous bois, puis on trouva un défilé sinueux ; on était forcé de marcher un par un, sans fumer. Des arbres fraîchement coupés barraient de distance en distance le sentier, déjà trop étroit. On pouvait d’un moment à l’autre tomber dans une embuscade ; les hommes étaient peu faits encore à ces expéditions nocturnes où l’imagination grandit toujours le danger. Malgré les obstacles, tout marcha avec ordre. A deux heures du matin, on avait parcouru trois lieues. La cavalerie, lancée au galop, se précipita si rapidement sur Rincon de Pañas, qu’elle surprit, appuyée sur son fusil, une vedette qui n’eut pas le temps de faire feu. Les deux cases qui servaient de ranchos furent entourées, et presque aussitôt l’infanterie y entrait au pas de course. La première recherche n’amena d’autre découverte que celle d’une Indienne qui se tenait fièrement debout au milieu de la case, une torche de résine à la main, sans autre vêtement qu’une splendide crinoline. L’éclat de ses yeux indiquait qu’elle n’avait pas été surprise dans son sommeil malgré ce costume tout au moins léger. Un soldat, soupçonnant quelque ruse, plongea sa baïonnette dans la crinoline. Tout d’un coup à travers la fente se dressa,