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intérêt pour l’avenir des terres chaudes ; mais les communications de la Vera-Cruz avec Puebla exigeaient une grande sécurité pour les convois de vivre, d’argent et de munitions, qui, malgré des efforts inouïs, montaient lentement au plateau d’Anahuac. Il fallait se tenir prêt à déjouer une attaque sur Medellin, la Tejeria ou le chemin de fer. En un pareil moment, le succès d’une pareille attaque pouvait avoir de graves conséquences. C’est par ordre supérieur que l’expédition projetée contre Jumapa et Cotastla fut ajournée.


III

Bien que la troupe fût immobilisée à Medellin, d’où la surveillance était facile, chaque nuit amenait une sortie partielle à quelques lieues de distance. Il était important d’ailleurs de tenir la contre-guérilla en haleine, et d’en éloigner cette oisiveté compagne inséparable de l’indiscipline et des fièvres meurtrières du pays.

Qu’on nous permette d’entrer ici dans quelques vues générales sur le corps que nous n’avons jusqu’ici montré qu’en action. C’est dans les jours de repos que l’on pouvait le mieux étudier les conditions qui convenaient au commandement d’une pareille troupe. L’aventurier qui entre dans une guérilla arrive d’ordinaire tout formé pour le service militaire. C’est un homme qui a quitté jeune encore sa patrie, qui a visité plusieurs pays et s’est habitué de bonne heure au danger. Le caractère de l’aventurier varie à l’infini : l’un est avide d’or, l’autre a soif de plaisirs ; un troisième est poussé par le désir de se faire un nom, qui sait même ? de conquérir un trône. Tous ont, sans exception, de grands défauts, des vices mêmes ; mais d’aucun d’eux on ne peut dire qu’il est le premier venu. Les réunir, les organiser, les discipliner et les faire mouvoir n’est pas chose facile : c’est une affaire de tact, d’autorité, de justice et d’audace. Le chef doit compter avec mille aspirations diverses et inspirer une confiance sans réserve. Le grand défaut d’un corps d’aventuriers est que ces hommes ne servent ni un gouvernement ni une patrie ; ils ne combattent pas pour une idée : ils ont pourtant le même drapeau, celui de l’inconnu, et cette bannière merveilleuse, aux mille couleurs de l’espérance, doit toujours flotter à leur tête.

Qu’on n’aille pas croire que les corps de partisans supportent mal la discipline. S’ils sont incapables de s’asservir à tous ces règlemens minutieux grâce auxquels nos escadrons, nos régimens, se meuvent comme de grosses machines de guerre et se décomposent dans tous leurs rouages, ils savent du moins comprendre et pratiquer cette sérieuse et solide discipline qui relie les