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La contre-guérilla devait trouver à la Soledad l’occasion de montrer qu’elle ne manquait pas plus de patience que de bravoure. Aux courses lointaines et rapides, aux excursions dans des régions inconnues, succédait le service de patrouilles et d’escortes. Le siège de Puebla avançait : le 8 mai, le combat de San-Lorenzo, si brillamment livré par le général Bazaine, mettait en déroute les forces du général Comonfort, qui tenaient la campagne autour de la place. L’armée d’Ortega, renfermée dans ses positions, perdait tout espoir de secours en voyant son convoi de ravitaillement tomber entre les mains des assiégeans. Pour arriver à ce résultat, le quartier-général avait appelé à lui, en les faisant remonter sur les plateaux, une partie des détachemens laissés en arrière pour la protection de nos communications avec la mer. De plus le commandant Bruat, de la marine impériale, était descendu du cerro San-Juan avec une force respectable et un gros convoi pour chercher en toute hâte à Vera-Cruz de nouveaux moyens de destruction plus puissans, les canons rayés de 30 de la flotte. Les terres chaudes, par suite de tous ces mouvemens de troupes, étaient moins solidement occupées, et pourtant il fallait à tout prix défendre la route de la Soledad dans les deux directions de la mer et des montagnes. La contre-guérilla eut ainsi sa part de surveillance sur les deux routes.

Le 8 mai au soir, un grand convoi d’artillerie, remontant de Vera-Cruz et composé de quatre-vingt-quatre voitures chargées de matériel et de munitions, arrivait à la Soledad. Des charrettes du commerce et près de deux mille mulets, portant les provisions des cantiniers civils, s’étaient joints au convoi militaire. Le bruit courait que les « libéraux » avaient résolu de tenter une diversion en faveur de Puebla en attaquant le convoi dans les terres chaudes, où les broussailles sont plus propices aux surprises. Toutes les guérillas et les troupes régulières de Huatusco et Tehuacan[1] devaient l’assaillir en même temps entre Palo-Verde et les pentes boisées du Chiquihuite, Les précautions nécessaires furent prises. Le 9 mai au matin, tout se mit en route sous les ordres du colonel de la contre-guérilla, qui formait l’escorte, avec six compagnies d’infanterie et deux obusiers de montagne. Le coup d’œil était curieux. Sur la route sinueuse de la Soledad au Chiquihuite, les éclaireurs marchaient sous bois à plus d’une lieue sur les deux flancs. Les hauteurs dénudées de Palo-Verde et de tous les points culminans se couronnaient successivement de troupes prêtes à se porter en tête ou en queue du convoi, qui marchait lentement, mais

  1. Villes juaristes situées l’une au nord, l’autre au sud de la route de Mexico, à une vingtaine de lieues dans l’intérieur des terres chaudes.