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en se faisant reconnaître d’abord pour prophète, c’est-à-dire pour inspiré de Dieu, par sa famille et par tous les siens. Deux ans après, il prêcha publiquement ; son influence s’étendit au pas de course. Il émut tous les esprits, les uns d’enthousiasme pour sa doctrine, les autres de crainte pour le culte national. Une opposition ardente, qui d’abord persécuta ses amis, menaça bientôt son repos et sa vie. C’est alors, après dix ans de prédication, qu’abandonnant La Mecque, il chercha un asile à Médine, et cette fuite, en arabe son hégire, au lieu d’être le signal de sa défaite, commença l’ère de sa puissance. Un parti nombreux, convaincu, fervent, se rangea autour de lui, prit en main sa cause et sa défense, et comme entre Arabes toute contention c’est la guerre, il fallut combattre. Mahomet victorieux rentra en maître dans La Mecque ; il effaça toutes les traces d’idolâtrie qui déshonoraient la Caaba, ne respectant que la pierre noire, monument innocent d’une tradition révérée. Aussitôt, avec use rapidité sans exemple, sa religion et son autorité envahirent une grande partie de l’Arabie. Sa volonté n’avait fait de lui qu’un prophète, la nécessité et l’occasion en faisaient un capitaine. Il devint un législateur, un souverain, sans un seul moment invoquer une autre autorité que l’inspiration qui l’animait. Il y avait trois ans qu’il jouissait d’un pouvoir presque illimité lorsqu’il mourut avec beaucoup de fermeté, de calme et de douceur. Jamais révolution aussi grande et aussi complète ne s’était faite aussi promptement. L’Arabie y devait gagner en même temps une religion spirituelle, l’unité nationale, et un gouvernement.


V

Sans prétendre écrire une biographie, M. Barthélémy Saint-Hilaire a fait mieux, il a expliqué la vie de Mahomet, et avec lui on connaît l’homme et son œuvre. Nous n’aurions pu rien ajouter, rien retrancher à un récit raisonné qu’il faut lire tout entier. Nous ne voulions qu’esquisser le milieu dans lequel s’est élevé le fondateur de l’islam et chercher dans cette étude quelques points de comparaison qui puissent éclaircir l’histoire et la philosophie des religions.

Mahomet est un grand homme. S’il y eut un temps où c’était hardiesse que de le dire, le paradoxe serait aujourd’hui d’en douter. M. Saint-Hilaire n’hésite pas à en faire un des plus grands, même un des meilleurs de l’humanité. Après les recherches auxquelles il s’est livré, après les autorités dont il s’est appuyé, on hésiterait à appeler de son jugement. Quoiqu’il paraisse un peu oublier que tous les biographes originaux de Mahomet sont de fervens