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voie des progrès en tous genres, notre but aura été atteint, et notre conclusion sera plus complète, car, à-côté d’une sévère leçon pour l’Autriche, elle contiendra aussi le plus sérieux des encouragement pour la jeune nation italienne.


I

Pour mieux faire comprendre les progrès accomplis à Milan, il faudrait donner quelque idée de l’état de cette ville pendant les dernières années de la domination autrichienne. Je n’oublierai jamais l’impression que produisit sur moi l’aspect de Milan quand j’y vins pour la première fois au mois d’octobre 1853. A voir la physionomie inquiète, le regard soupçonneux des sentinelles autrichiennes, j’aurais pu croire que l’ennemi était aux portes ; je me trompais, et les sentinelles avaient raison, car l’ennemi occupait une position bien autrement formidable : il était dans la ville même. L’ennemi, c’était la population tout entière. Je pus bientôt remarquer que les Italiens et les Autrichiens ne se trouvaient jamais dans le même café, et j’appris que jamais ils ne se rencontraient ni dans les loges de la Scala, ni dans les maisons particulières. Un officier autrichien ne pouvait entrer dans un salon sans voir les Italiens se retirer aussitôt, faisant le vide autour de lui ; mais si les Milanais affichaient ainsi leur dégoût pour le despotisme de l’Autriche, de son côté le gouvernement autrichien redoublait de rigueur contre ceux qu’il appelait « les frondeurs de Milan. »

Un jour je m’étais arrêté devant la magnifique cathédrale, changeant de place de temps en temps pour mieux voir les mille détails du Dôme. Un factionnaire s’approche brusquement et me fait comprendre par ses gestes accompagnés de paroles allemandes, auxquelles je n’entendais rien, que je ne devais plus continuer cette lente promenade à laquelle il trouvait je ne sais quelle allure révolutionnaire. Je m’éloignai donc. Une demi-heure plus tard, je me trouvais près d’une des portes de la ville, et, l’idée m’étant venue de voir un peu les environs, j’étais sur le point de franchir les portes, quand on me demanda mon passeport. Je l’avais laissé à l’hôtel : faute de cette pièce indispensable, je fus contraint de renoncer à ma promenade à travers champs. Dès ce moment, je ne me séparai plus de mon passeport, et, voulant aller voir le lac de Côme, j’eus bien soin de me procurer le visa nécessaire pour faire ce voyage d’une heure et demie en chemin de fer. Malheureusement, une fois muni de ce visa, j’eus à compter avec la pluie, qui me força de laisser passer deux jours sans exécuter mon projet, te troisième enfin, par un beau soleil, je me mis en route. Vers le