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première fois dans un salon italien. L’accueil que je reçus fut plein de courtoisie et de cordiale bienveillance. La politique était, comme on le pense bien, le principal et presque le seul sujet de conversation. On parlât librement, on discutait chaudement, sans dépasser toutefois les limites de la convenance et du bon sens. Ce qui me frappait surtout et ce qui me plaisait fort, c’était la manière pratique et positive dont les questions étaient envisagées. Jamais je n’entendais proposer de théories abstraites. On ne parlait pas « des droits de l’homme, » ni « des origines de l’état social, » ni d’aucune de ces abstractions qui sont à leur place dans les discussions philosophiques et dans les temps de loisir ; il n’y avait personne qui s’occupât d’autre chose que des questions urgentes du jour et de l’application du régime constitutionnel à donner à l’Italie enfin émancipée. J’ai eu mainte occasion de voir de près la société milanaise, grâce à cette charmante sympathie, pure de toute morgue, qu’elle prodigue (c’est le mot propre) aux étrangers qui font un séjour un peu prolongé auprès d’elle, et je me suis toujours de plus en plus tenu à la première impression que j’ai ressentie en voyant cette manière d’envisager et de traiter les questions politiques. J’ai assisté à bien des discussions, qui quelquefois furent assez vives ? le sujet en était toujours d’une application immédiate et sérieuse, comme le plus ou le moins d’extension à donner au suffrage des citoyens, les rapports de l’église et de l’état, la limite du pouvoir central et des autorités locales, la guérison la plus prompte et la plus sûre de la plaie du brigandage. Ce que j’ai vu et entendu dans d’autres parties de l’Italie m’a prouvé et m’autorise à dire que ce n’est pas seulement à Milan que l’on trouve cette heureuse disposition des esprits, et que là est vraiment le trait caractéristique du génie national. Aussi doit-on beaucoup espérer d’une société qui montre tant de sagesse. Elle n’aurait pu autrement faire en si peu de temps ce qu’elle a fait et se relever déjà si complètement. C’est un grand malheur pour une nation quand ses hommes d’état et les chefs de l’opinion publique, au lieu de porter leur attention sur les questions pratiques, se laissent entraîner vers des théories trop générales et se préoccupent de questions purement abstraites. Les Italiens comprennent à merveille le danger des abstractions ; ils semblent s’accorder à reconnaître, contrairement à l’opinion acceptée en d’autres pays, que nos sociétés modernes ne ressemblent pas à une feuille de papier blanc sur laquelle on peut écrire ce que l’on veut, mais plutôt à un champ clos d’intérêts, d’idées et de faite, très divers et très hostiles, où l’on ne doit chercher à faire que ce que l’on peut.

Les élections générales des députés au parlement, qui eurent