Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/768

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu au commencement de 1861, m’offrirent l’occasion de voir comment les Italiens savaient remplir cette fonction importante de la vie constitutionnelle. J’assistai à plusieurs des réunions publiques qui précédèrent le jour de l’élection. On y discutait vivement, et en pleine liberté, sur les candidats et sur les principes que l’on voulait appuyer ; des discussions semblables remplissaient en même temps les colonnes des journaux, sans que l’autorité s’en mêlât pour agir sur L’opinion dans un sens ou dans un autre. Je n’ai rien entendu ni rien lu qui pût choquer un ami de l’ordre et de la liberté. Milan est divisé en cinq collèges électoraux à peu près égaux, et chacun de ces collèges avait à sa disposition diverses grandes salles où les électeurs allaient déposer leurs votes. Le suffrage n’est pas universel en Italie ; il est limité, comme en Angleterre. La garde nationale stationnait aux portes des salles de vote. Toutes les opérations se firent avec la plus grande régularité et au milieu de l’ordre le plus parfait. L’électeur votait avec une entière liberté, sans qu’il fût possible à personne de savoir en faveur de quel candidat son vote était donné. Dans l’intérieur des salles régnaient la tranquillité la plus complète et un silence qui, malgré la foule assez compacte, n’était guère interrompu. L’aspect général de la ville était des plus calmes. En vérité, ces « frondeurs » de Milan étaient devenus le plus paisible des peuples. Le fait est que moi, qui ai vu de bien près, cette année encore, des élections en Angleterre, j’admirais ce calme, cet ordre, et surtout cette entière absence de toute corruption, qui caractérisaient les élections de Milan et faisaient si grand honneur à ses citoyens.

Si la politique et la manière de la pratiquer méritent d’être étudiées avant tout quand on cherche à se rendre compte de l’état d’un pays, il y a cependant d’autres points d’étude qui ont aussi une grande valeur, et je signalerai par exemple le plus ou le moins d’avancement de l’instruction publique. C’est là un intérêt du premier ordre pour tous les pays, mais principalement pour ceux qui se glorifient d’être libres, et où les citoyens ont une large part flans la direction des affaires. Quiconque aime sincèrement les institutions libérales doit être l’ami décidé et agissant de l’instruction populaire. C’est en la rendant saine et solide, en la répandant partout c’est en surveillant soigneusement l’esprit qui la dirige, que l’on établit sur un fondement durable l’édifice de la liberté d’un peuple. Cette vérité n’a pas échappé aux Italiens, et les Milanais en particulier se sont mis à l’œuvre avec une ardeur qui mérite les plus grands éloges.

La municipalité de Milan chargea en 1860 une commission, composée de six personnes très compétentes en cette matière,