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l’absurdité et la faiblesse du complot. Tout cela n’aurait pu aboutir qu’à une triste échauffourée. En brisant le fenianisme, le gouvernement anglais a mis fin à une mystification plutôt qu’il n’a combattu un sérieux danger. Il faut bien le dire, les griefs de l’Irlande contre l’Angleterre, qui n’ont été que trop réels et trop justes autrefois, ne subsistent plus aujourd’hui. L’Irlande possède toutes les libertés dont jouit l’Angleterre ; ses intérêts inspirent aux hommes d’état consciencieux de notre époque la même sollicitude que ceux des autres parties du royaume-uni. L’Irlande n’a plus guère à se plaindre que des privilèges que possède chez elle l’église établie, qui n’est que le culte d’une minorité ; mais un tel grief ne justifie ni une insurrection ni une révolution, et l’on doit espérer d’en obtenir le redressement par le progrès que les institutions libérales font nécessairement accomplir aux idées de justice. De ses maux anciens, l’Irlande n’a plus guère conservé que le souvenir ; l’affaire des fenians nous prouve que le souvenir et le ressentiment des injustices passées sont difficiles à extirper du sein des populations ignorantes. Les Anglais doivent donc se garder de se montrer trop sévères envers les Irlandais que les vieilles passions nationales égarent, car c’est la cruelle politique de leurs pères qui a semé ces haines séculaires dont nous voyons encore les dernières et tristes manifestations.

En France, tout repose, et si ce n’étaient les ravages commis par le choléra dans quelques villes importantes du midi, nous jouirions d’une fin de vacances singulièrement calme. Nous ne savons pourquoi l’on a troublé récemment une situation si tranquille par des bruits de rénovation politique et de remaniemens ministériels. Il ne s’agissait de rien de moins que le couronnement de l’édifice, et l’on indiquait la date d’un nouveau 24 novembre. Il y a sur ce point dans l’opinion une veine de crédulité qui se réveille volontiers sur le premier prétexte venu : l’opinion a des accès non d’impatience, mais d’espérance. On a mis bon ordre à celui-ci. Le journal officiel a démenti les bruits de crise ministérielle, et à la place du couronnement de l’édifice nous avons eu la circulaire du ministre de l’intérieur qui Invite les préfets à ne point épargner les communiqués à la presse départementale. Il n’y aura donc rien de changé, soit ; mais sérieusement, quand on y songe, il semble que ce ne soit point tout à fait sans motifs que le public ouvre parfois l’oreille à des bruits de changement. Nous approchons de la session, nous avons un nouveau président du corps législatif ; le moment ne serait-il point propice pour examiner si les rapports du gouvernement avec le corps législatif sont établis sur la meilleure base possible ? Or personne ne croit qu’il en soit ainsi : tout le monde trouve qu’il y aurait quelque chose à faire pour rendre plus faciles, plus pratiques, plus conformes à la logique, les rapports du pouvoir avec la chambre dès députés. Les uns disent que l’institution des ministres-orateurs n’est pas viable, qu’il vaudrait mieux que les ministres à portefeuille vinssent