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de discours ou de propositions détachées sur Dieu, sa loi, son culte, son prophète, sur des questions de morale, de législation, et même sur des circonstances de la vie de Mahomet. La confusion y répand de l’obscurité. Malgré de nombreuses redites, la brièveté de la rédaction laisse beaucoup de prise au commentaire. C’est, dit-on, un modèle de style et le chef-d’œuvre de la littérature arabe ; ce n’en est pas moins un livre mal composé, ou plutôt ce n’est pas un livre. La lecture en est difficile et fatigante, et jamais peut-être aucun ouvrage d’esprit n’est sorti de la main des hommes qui eût obtenu autant d’influence et de popularité. Notre Écriture sainte elle-même tient moins de place dans l’esprit des fidèles que le Coran dans celui des musulmans : elle est, dans le courant de la vie, moins présente aux catholiques et gouverne moins immédiatement leur raison et leur volonté.

Il y a de belles choses dans le Coran, il n’y faut pas chercher toutefois la métaphysique, ni même la poésie. Rarement des traits brillans ou des idées profondes en interrompent la monotonie un peu superficielle. En aucune chose, la pensée dans Mahomet ne marque par l’originalité. En revanche, le Coran offre peu de ces idées risquées et scabreuses qui ont compromis la réputation et la gravité du mahométisme. On n’y aperçoit point d’autre fatalisme que la soumission à la Providence. Le fanatisme et l’intolérance appartiennent aux sectateurs du Coran plus qu’au livre lui-même. Le salut y est promis à tous ceux qui, musulmans, juifs, chrétiens ou sabéens, croiront en Dieu et au jugement dernier en faisant le bien, et l’on y lit ces belles paroles : « Ne faites point de violence aux hommes à cause de leur foi. » Enfin tout le monde parle de ces sensualités qui prêtent pour les croyans un attrait profane à la vie future ; néanmoins le Coran se borne à dire que, parmi les délices du séjour de la béatitude, les justes trouveront des épouses purifiées : c’est le mot du texte. Il est vrai que le style s’émancipe une ou deux fois et parle « de vierges aux regards modestes, aux grands yeux noirs, et dont le teint aura la couleur des œufs de l’autruche ; » mais il n’est question que de leur présence, et maint passage annonce aussi des jardins où des fleuves rouleront des coupes d’une eau pure, des habits de soie et des bracelets d’or ornés de perles. Est-ce là autre chose que des figures ? N’est-ce pas le cas d’appliquer cette distinction que fait Mahomet lui-même entre les versets qui renferment des préceptes évidens, qui sont la base de l’ouvrage, et les versets allégoriques auxquels s’attacheront ceux qui auront du penchant à l’erreur et qui feront schisme en les interprétant ? L’indescriptible paradis n’a jamais été peint que sous une forme allégorique, et les symboles qu’on a choisis