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aujourd’hui à la bibliothèque de Munich. C’est encore pour Étienne Chevalier que Jehan Foucquet exécuta les quarante miniatures d’un livre d’heures, vrai chef-d’œuvre d’élégance, l’ornement et l’honneur de la belle galerie, de M. Louis Brentano à Francfort-sur-le-Mein.

Francfort, Munich, voilà des noms qui sonnent mal en pareille matière ; notre vieux peintre est-il donc tout entier en Allemagne ? Non, Dieu merci. La Bibliothèque impériale possède une collection moins riche, mais singulièrement belle, des miniatures de Jehan Foucquet : ce sont onze sujets composés pour un manuscrit intitulé les Antiquités des Juifs, par Josèphe, traduites en français. Commencé dans les premières années du XVe siècle, ce beau livre ne fut achevé que vers 1470 ; il représente ainsi deux périodes très distinctes et permet de mesurer le progrès dont le peintre de Tours a été l’initiateur. Des quatorze miniatures qui le décorent, trois appartiennent à la première période et sont d’une main inconnue ; les onze autres sont l’œuvre de Jehan Fouquet, œuvre exquise, pleine de charme et de vie, d’élégance et de hardiesse. Voici enfin un artiste qui sait et qui ose ; le souffle de la renaissance est là. Ces belles miniatures, comme celles du livre d’heures d’Étienne Chevalier, appartiennent aux dernières années de la vie de Foucquet et révèlent la pleine maturité de son talent. Une inscription tracée à la fin du volume le désigne en ces termes : « le bon peintre et enlumineur du roi Louis XIe, Jehan Foucquet, natif de Tours. » Employé longtemps par le trésorier de Charles VII, ainsi que par Agnès Sorel, dont il avait fait le portrait, Jehan Foucquet était donc devenu le peintre ordinaire de Louis XI, comme Michel Columb était son statuaire. On croit qu’il mourut vers l’année 1485, âgé de soixante-cinq ou soixante-dix ans. Il laissa de nombreux disciples, et à leur tête ses deux fils, Louis et François Foucquet.

Cette biographie est bien incomplète, comme on voit ; telle qu’elle est pourtant, c’est encore beaucoup de l’avoir retrouvée. Il est probable que nous ne pénétrerons jamais d’une façon plus complète dans l’intimité de Jehan Foucquet. M. Renan a eu bien raison de le dire : Quel malheur que nous n’ayons pas eu un Vasari ! Nous n’en sentons que plus vivement le service rendu à l’histoire de l’art français par l’habile éditeur qui publie en ce moment même tout ce qu’il a pu rassembler des trésors épars d’Étienne Chevalier. Grâce à lui, grâce à M. Brentano, qu’il a su intéresser à la cause du maître, les scènes charmantes exécutées pour le Livre d’heures d’Étienne Chevalier ont été reproduites avec tout le soin désirable[1]. C’est presque l’œuvre elle-même qui nous est offerte, tant les procédés de la gouache ont reçu de perfectionnemens et viennent en aide au crayon du dessinateur. Voici bien le peintre qui clôt le moyen âge et annonce la renaissance. S’il peint une scène religieuse, le sentiment de la vie se fait jour à travers la pieuse timidité des anciennes écoles. Derrière le monde de l’Évangile tel

  1. Jehan Foucquet, Heures de maistre Estienne Chevalier, trésorier des rois Charles VII et Louis XI. — in-4o ; Paris, 1865, L. Curmer, éditeur.