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élection politique, ce sont les États-Unis, car nulle part les partis n’ont une discipline plus régulière, une organisation plus puissante et plus étendue. A la veille de toute élection, il y a quelques semaines d’épreuves durant lesquelles chaque armée dénombre ses combattans. Les comités locaux envoient aux comités d’états les listes qu’ils ont dressées, et ceux-ci en forment de nouvelles listes qu’ils adressent au comité central. Ce mécanisme compliqué fonctionne avec une aisance et une précision parfaites. Les élections locales sont aussi comme des épreuves préparatoires rarement contredites par le jugement définitif. Jusqu’à présent, elles sont favorables au président Lincoln : les démocrates n’ont la majorité que dans trois ou quatre border-states et dans la ville même de New-York. Reste à savoir si l’état ne matera pas la ville.

Ils ont pourtant les puissances pour eux : le gouverneur de l’état, M. Seymour, est un de leurs chefs. Quant à l’administration municipale, elle se fait plus royaliste que le roi, plus démocrate encore que New-York. Le maire est un M. Gunther, marchand de fourrures et pauvre politique, mais qui a le mérite de dire très haut ses opinions. Il pousse la rigidité puritaine jusqu’à avouer publiquement sa sympathie pour les rebelles et prendre le deuil à chaque victoire de son pays. Le conseil des aldermen ayant voté une illumination pour célébrer les récentes victoires, le maire y a mis sèchement son veto, et écrit ou (disent les mauvaises langues) fait écrire aux journaux une lettre fort hautaine pour développer ses raisons. Il ne veut pas, dit-il, fournir à ceux qui se réjouissent des derniers événemens une occasion d’insulter aux sentimens des bons citoyens qui s’en affligent, ni faire à la bourse du pauvre un appel qui ne mérite pas d’être écouté. Cet acte de malveillance maladroite et brutale vaudra plus de voix aux républicains qu’aux démocrates ; mais le maire Gunther sait, dit-on, faire lui aussi le miracle de la multiplication des votes, et les vides accidentels qui se font dans le parti sont vite comblés par le flot de l’émigration européenne et le procédé non moins européen de la naturalisation in extremis. Il ne se passe pas de jour, — on le dit du moins, — que 300 ou 400 Irlandais, Italiens, Français ou Allemands ne soient expédiés à la mairie et admis sommairement aux bienfaits du droit de cité, sur leur promesse formelle de voter pour Mac-Clellan. Il y a bien une loi qui prescrit aux étrangers, avant leur naturalisation, une résidence de cinq ans sur la terre américaine ; mais qu’importe ? Autant de gagné sur la loi, et quant aux conditions exigées, les nouveaux citoyens auront le temps de les remplir après l’élection.

On avait pu croire un instant que le parti de la trahison allait