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sur le génie grec au temps d’Alexandre. Toutefois on ne peut passer outre sans lui adresser une sérieuse critique. Le nom de Praxitèle, inscrit en tête de son livre, en résume assez bien le dernier tiers ; mais c’est un titre trop étroit pour exprimer la pensée de l’ouvrage tout entier. Le second titre, destiné à expliquer celui-là, ne sert qu’à en démontrer l’inexactitude. Le sujet primitivement choisi s’est étendu sous la plume de l’auteur : on ne s’en plaindra pas ; cependant il est regrettable que ni l’importance de l’ouvrage, ni l’intention philosophique qui y domine ne soient suffisamment annoncées.

En effet, c’est au point de vue psychologique plutôt qu’à celui de l’archéologie et de l’art qu’est traitée la seconde partie, comme la première. Et tout en approuvant cette façon de procéder qui renouvelle et éclaircit à plus d’un égard l’histoire grecque, nous aurons avoir si une part assez grande a été accordée à la philosophie dans les derniers chapitres de l’étude distinguée que nous examinons. Au siècle d’Alexandre, ce fut l’instinct ou, si l’on veut, l’inspiration qui, en s’affaiblissant, donna le signal de la décadence, de même que l’inspiration, en s’élevant, avait donné aux siècles qui précédèrent le signal du progrès. Si les philosophes de l’école socratique, j’entends les plus puissans, eurent raison d’entrer, pour le diriger et l’accroître, dans le mouvement spiritualiste qu’avaient imprimé aux idées les grands artistes et les grands poètes venus avant eux, tel philosophe moins ancien, Épicure par exemple, eut peut-être tort non-seulement de céder à des entraînemens contraires, mais encore d’en augmenter la force et de les consacrer théoriquement. Dans tous les cas, soit qu’on le blâme ou qu’on l’approuve d’avoir dit, comme Helvétius plus tard, le mot de tout le monde, on ne saurait déterminer au juste les rapports qui le rattachèrent à ses contemporains qu’en exposant d’abord quels étaient les caractères généraux des œuvres d’art ou de poésie que sa doctrine refléta, et en second lieu quels furent les traits principaux de cette doctrine elle-même.

Mais la décadence des mœurs avait précédé et produit celle des arts et de la poésie. Par quel concours, par quel enchaînement de causes religieuses et politiques, le peuple athénien perdit en un seul siècle la plupart des qualités énergiques auxquelles il avait dû sa grandeur, il faudrait un livre pour le dire. Quelques traits suffiront à montrer combien, cent ans après Périclès, cette noble race était tombée au-dessous d’elle-même. On ose à peine croire ce que raconte Plutarque des honneurs que les Athéniens décernèrent à Démétrius, fils d’Antigone, et avec quelle docilité et quel servile empressement ils se firent les serviteurs et payèrent les frais de ses débauches. Ils l’honorèrent, lui et son père, du titre de dieu et créèrent