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également essuyé des mauvais temps dans la dernière partie de leur traversée, arrivèrent à leur tour au mouillage.


III

Pendant notre absence, la situation s’était de nouveau gravement modifiée. Quelques détails sur les événemens qui avaient coïncidé avec notre campagne et sur l’état où le Japon se trouve depuis notre succès militaire seront la conclusion naturelle de ce récit.

Le 28 août 1864, alors que la moitié des bâtimens alliés avait déjà pris le large, le vice-ministre Takemoto était arrivé inopinément à Yokohama. Il venait informer les représentans étrangers d’une importante nouvelle. Le 20 août au matin, un corps de troupes, rassemblé à la faveur de la nuit sur une des collines avoisinant Kioto, avait marché sur la capitale. Ce corps de troupes, composé d’hommes appartenant au prince de Nagato, pénétrant dans la ville par l’ouest, s’était dirigé sur le palais du mikado, qui en occupe l’autre extrémité. L’alarme avait été immédiatement donnée ; bientôt les soldats préposés à la garde du palais et des différentes portes intérieures de la ville, prévenus à temps, avaient pris les armes. Un violent combat s’en était suivi, où l’artillerie même avait été employée des deux parts. Le lendemain seulement, grâce à l’arrivée de nouvelles troupes appartenant à divers daïmios et au taïkoun, les assaillans avaient été définitivement dispersés, avec des pertes importantes de part et d’autre. Une grande partie de la ville avait été brûlée pendant le conflit ; le palais du mikado était sauf, mais lui-même avait dû se réfugier dans un temple en dehors de l’enceinte de cette résidence.

Le vice-ministre paraissait satisfait d’avoir à transmettre ces nouvelles. « Malgré, disait-il, tout ce qu’a d’odieux un pareil attentat, il sert la cause du taïkoun en mettant définitivement le daïmio de Tcho-chiou[1] hors la loi : telle était la décision du mikado. Chargé d’exécuter ses ordres, le gouvernement de Yédo donne au rebelle quinze jours pour présenter des explications et justifier sa conduite, faute de quoi il sera déclaré ennemi du mikado, du taïkoun et du peuple. »

Le même jour était affiché dans les rues de Yokohama l’avis suivant :

  1. Tcho-chiou (province de Tcho). Tcho est le synonyme de Nagato. Chaque province du Japon a deux noms, suivant que le caractère écrit qui le représente est prononcé à la façon chinoise ou japonaise. Le nom chinois de Tcho-chiou est généralement employé par les indigènes.