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Ces concessions promettaient d’être et furent en effet l’inauguration d’une situation meilleure, qu’il fallait attribuer d’une part au raffermissement du pouvoir taïkounal[1], d’autre part, suivant les prévisions, à l’effet produit par la communauté d’entente des nations étrangères et par l’heureuse expédition de Simonoseki. Le commerce des soies avait été complètement interrompu depuis quelques mois ; on les vit arriver sur le marché de Yokohama aussitôt après le retour des ministres de Yédo, tandis que le gouvernement japonais s’occupait de l’exécution des autres clauses. Dans les dernières conférences tenues à Yokohama, Takemoto, poussé par les ministres étrangers, avait peu à peu fait des aveux relativement au point fondamental de la constitution japonaise : le taïkoun était bien et dûment le subordonné du mikado ; si ce dernier lui laissait, dans le cours ordinaire des choses, la direction complète des affaires du royaume, il se réservait cependant les décisions d’une importance extraordinaire. Enfin il était vrai que, tout en paraissant envisager d’un œil plus calme l’introduction des étrangers sur le sol du Japon, le mikado n’avait pas encore donné sa sanction à leur présence et aux traités qui la légalisaient à nos yeux. C’est donc à cette sanction que devaient tendre désormais les efforts de nos représentans, comme le seul gage certain de la paix et de la prospérité futures. Le gouvernement de Yédo reconnut la justesse de cette conclusion, et promit de s’employer activement dans ce sens dès qu’il aurait dompté le prince rebelle de Nagato. Un corps d’armée, rassemblé par le taïkoun et grossi des contingens de plusieurs daïmios, allait même, assura-t-il, marcher d’Osaka sur le territoire du prince rebelle[2].

Un autre daïmio ami des Européens, Sakaï, vint de son côté à Yokohama renouer ses anciennes relations avec les ministres. Par ses soins, une revue des troupes japonaises du district eut lieu devant les représentans et les commandans en chef étrangers. Après avoir assisté aux manœuvres de ligne exécutées par deux bataillons d’infanterie organisés et équipés à l’européenne, nous eûmes le curieux spectacle d’un corps de guerriers simulant un combat suivant l’ancienne tactique japonaise. Nous aurions de la peine à rendre compte de l’étrangeté de cette scène, à décrire la richesse et la diversité des armures, les évolutions des combattans s’abordant à l’arme blanche, l’éclat des bannières déployant au vent les

  1. Vers cette même époque, les familles de daïmios qui avaient abandonné Yédo depuis 1862 revinrent habiter la capitale.
  2. D’après les dernières nouvelles reçues du Japon (juillet 1865), le taïkoun en personne venait de quitter Yédo pour aller se mettre a la tête de son armée. On l’avait vu passer sur la grand’route de Tokaido à Kanagawa avec un cortège de plusieurs mille hommes.