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II.

Le parti des princes triomphait, peu s’en faut, en voyant échouer les entreprises du roi et de la reine. De quoi avaient servi la timide circonspection du baron de Breteuil, les demi-mesures et les intentions conciliatrices presque jusqu’à la connivence avec ces mêmes idées dont il fallait empêcher la contagion? Plus de ménagemens pusillanimes il fallait confier au brillant et hardi de Calonne les négociations avec les cabinets européens, et c’était folie de vouloir capituler avec l’anarchie. On avait besoin de l’appui des différentes cours; en attendant qu’il fût acquis, Gustave III était, par son nom et par ses relations avec le cabinet de Pétersbourg, un allié précieux. Les princes n’en pouvaient souhaiter de plus enthousiaste ni de plus ardent. Loin de se laisser abattre par l’échec de Varennes, excité au contraire, lui aussi et comme piqué au jeu en croyant prendre désormais le premier rôle, Gustave publiait sa rupture avec le gouvernement qui siégeait à Paris. Sa dépêche à M. de Staël, du 27 juin 1791, imprimée dans toutes les feuilles de l’Europe, le désigna, — c’était son vœu, — aux colères révolutionnaires : « ….. Représentant d’un roi qui a eu soin toute sa vie, en protégeant chez ses peuples une juste liberté, de maintenir l’ordre public et la dignité de sa couronne, j’attends de vous que vos démarches seront conformes à ma vie entière, aux sentimens que j’ai fait éclater, à mon caractère connu, à la dignité du trône des Gustave. Cette pièce, fort connue, et qu’on retrouvera dans le recueil des Œuvres de Gustave III, est très digne et très calme; mais vingt jours après le roi de Suède écrit encore à son ambassadeur, et sa lettre, non destinée cette fois à devenir publique, n’en montre que mieux toute son impatience[1].


« 17 juillet 1791. … Rien de plus déplorable que l’espèce de tranquillité qui semble s’établir en France, car une paix stable et la sécurité des propriétés et des personnes sont incompatibles avec la nouvelle constitution et les principes sur lesquels elle est fondée. Parmi ceux qui cherchent à propager ces principes, les démocrates enragés ne sont pas les plus à craindre le but qu’ils se proposent et qu’ils montrent trop ouvertement, ainsi que la violence de leurs moyens; sont trop révoltans et trop odieux pour que l’illusion en leur faveur puisse être de longue durée; mais ceux qui, sous les dehors d’une modération affectée, cachent des desseins non moins dangereux, et cherchent à concilier avec les principes généraux et reconnus de la monarchie les principes qui ont le plus servi à la renverser,

  1. Pièce inédite communiquée par M. le comte de Manderström, aussi bien que la plupart de celles qui vont suivre.