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3 hommes pour 21 ou 22 femmes. Dans les campagnes et surtout dans les états de l’ouest, la proportion n’est plus la même, parce qu’une jeune fille ne peut pas aussi bien y résider seule qu’un homme. Les garçons et les filles fréquentent la même école et la même classe jusqu’à quinze et seize ans, et c’est merveille de voir la jeune institutrice maintenir l’ordre dans ce groupe d’élèves dont plusieurs sont presque aussi âgés qu’elle. « Quelques jours après mon arrivée en Amérique, dit un voyageur qui a bien étudié cette étrange nation[1], je visitais l’académie de Westfield, magnifique village sur les bords de cette mer intérieure qu’on appelle le lac Érié. Chez le pasteur qui me donnait l’hospitalité demeuraient une jeune demoiselle de dix-neuf ans qui était professeur de mathématiques à l’académie et un jeune homme de vingt-trois ans, qui étudiait pour le ministère, mais qui, étant pauvre, partageait son temps entre l’office de domestique du pasteur et les cours publics, dont les plus ardus étaient professés par sa charmante commensale. Dans ces salles spacieuses, éclairées par un jour discret pénétrant au travers du feuillage, une centaine de fils et de filles de cultivateurs étudiaient. ensemble. La jeune maîtresse avait dans son auditoire des hommes à longue barbe auxquels elle expliquait un problème de hautes mathématiques avec une netteté et une simplicité parfaite. » Ce système offre de nombreux avantages d’abord celui de l’économie, car le salaire d’une institutrice est d’un tiers moins élevé que celui d’un instituteur, et cette différence est importante, puisqu’il y a de quatre à cinq fois plus d’écoles en Amérique qu’en Europe. En outre, à connaissances égales, il est établi que la femme communique mieux ce qu’elle sait aux enfans que les hommes. Elle a moins de roideur, de sécheresse et de pédantisme, plus de patience, d’imagination et de douceur. Douée des instincts de la mère, elle s’empare de l’attention des auditeurs, et les commencemens, d’ordinaire si arides, deviennent un jeu. La grâce même et la beauté ajoutent un charme secret à ses leçons. L’école n’est plus ainsi cette prison sombre, hérissée de punitions et d’ennui, que l’enfant redoute c’est comme un prolongement du foyer domestique où règne le doux esprit de la famille et où la sœur aînée instruit ses frères et sœurs cadets. Voici un second avantage non moindre que le premier, et dont l’état social profite directement. Les institutrices sont presque toutes jeunes, parce qu’elles ne restent que cinq ou six ans au plus dans la carrière elles la quittent presque toujours en se mariant. Or les habitudes d’ordre et d’autorité, les idées claires avec la facilité de les exprimer,

  1. Les États-Unis en 1861, par George Fisch.