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tique risque de perdre de ses adhérens au contact d’autres cultes qui ont pour principe l’examen individuel, et qui sont plus en rapport avec les institutions libres et les mœurs individualistes du pays. L’archevêque de New-York, M. Hughes, s’est mis la tête d’une croisade qui a pour but de retirer les enfans des écoles nationales et de les placer dans des écoles exclusivement catholiques. Jusqu’à présent, beaucoup de parens résistent, et c’est heureux, car il serait regrettable que les catholiques vinssent à former une sorte de peuple à part, sourdement hostile aux institutions du pays.

Pour les protestans, l’instruction religieuse se donne dans les écoles du dimanche c’est encore une admirable institution due tout entière à l’initiative individuelle. L’enseignement commence aux premiers élémens et va jusqu’à des explications très approfondies. Quand on bâtit une église nouvelle, on y ajoute généralement une vaste salle de conférences (lectures room) où viennent s’asseoir en foule[1], sur des bancs circulaires, les enfans des fidèles appartenant souvent aux différentes nuances du protestantisme. Ici même les pasteurs cèdent généralement la place aux laïques. Les femmes, les hommes les plus distingués se disputent l’honneur d’instruire les petits enfans. C’est une incroyable émulation de dévouement, si éloignée de nos habitudes qu’elle nous paraît à peine explicable. Les juges des hautes cours, les chefs élus des cités et des états, les généraux même ne dédaignent pas de remplir l’humble fonction de maître d’école. Quand le général Harrison fut élu président de la république, il donnait l’instruction religieuse dans une école du dimanche. Le christianisme, exposé par des personnes mêlées à la vie civile, perd tout caractère sectaire et sacerdotal pour devenir une doctrine morale appuyée sur une foi vive, mais large; il s’insinue ainsi jusqu’au dernier fond de la société, à laquelle il donne une assiette solide pour les grandes épreuves. Les écoles du dimanche sont l’une des fermes bases des institutions républicaines des États-Unis.

L’école strictement laïque, qui, assure-t-on d’un certain côté, déracinerait tout sentiment religieux, ne paraît aucunement produire cet effet aux États-Unis. Nulle part ce sentiment n’est plus universel, plus profond, et surtout plus fécond en œuvres. Tous les

  1. On estime que les écoles du dimanche sont fréquentées par trois millions d’enfans sous la direction d’environ quatre cent mille moniteurs et monitrices. Il s’est formé des associations de missionnaires qui envoient des délégués dans tous les quartiers pauvres pour recruter les enfans dont les parens abrutis négligent complétement l’éducation: œuvre de sagesse, car il est plus important d’éclairer et de moraliser tes barbares qui sont à nos portes que ceux qui vivent aux antipodes. Les premiers du moins vous écoutent, vous comprennent et ne vous mangent point.