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homme lèse ses héritiers quand il dispose d’une partie de sa fortune en faveur d’une œuvre d’utilité publique. Ils croient au contraire qu’il est juste de prélever la dîme sur leur avoir en faveur du progrès de la société. Comme dans l’antiquité, l’idée de la patrie est assez forte pour contre-balancer ce que le sentiment de la famille a d’égoïste et d’étroit, Grâce à la libéralité des particuliers[1], l’enseignement supérieur se développe avec une rapidité merveilleuse; mais il s’agit simplement ici de voir ce que coûte l’enseignement primaire.

On peut porter les dépenses pour cet objet en moyenne dans les états qui n’avaient pas d’esclaves à environ 6 fr. par tête. Ainsi le Massachusetts, avec 1,231,066 habitans, consacre à l’instruction primaire, sans compter la construction et l’entretien des bâtimens, 7,600,000 fr.; New-York, avec 3,880,000 habitans, 24,500,000 fr., soit 6 francs 50 cent. par personne; l’Ohio, avec 2,339,502 âmes, 13,700,000 francs; le Michigan, avec 749,113 âmes, 11 millions de francs; l’Illinois, avec 1,711,951 âmes, 11 millions; la Californie, avec 379,994 habitans, dont 34,919 Chinois, 2,500,000 francs. Quand on prend les villes isolément, les résultats sont encore plus dignes d’attention et, osons le dire, d’admiration. Ainsi en 1851 la cité de New-York, ayant une population d’environ 900,000 âmes, a consacré à ses écoles publiques 8 millions de francs, ou environ 9 francs par tête. La subvention totale de l’état en France pour le même objet s’élevait à 6,464,029 francs 70 centimes en 1863.

Quand éclata la guerre civile, alors que les sources de la prospérité publique menaçaient de tarir au milieu du bruit des armes et du plus terrible bouleversement, malgré l’immense accroissement de dépenses occasionnées par l’enrôlement de quarante régimens de soldats dont on soutenait souvent les familles, au même moment où les états insurgés s’emparaient des fonds sacrés de l’instruction, New-York augmentait largement la somme qu’elle consacrait aux écoles

  1. Sans parler des établissemens connus, comme le Girard’s college de Philadelphie ou le Smithsonian institute de Washington, on pourrait citer un nombre infini de colléges, de séminaires et d’établissemens d’instruction de tout genre soutenus en grande partie par des souscriptions volontaires. Depuis quarante ans, l’université de Cambridge, près de Boston, a reçu plus de 5 millions de donations. Un M. Bussy donne par exemple 880,000 fr. pour la faculté de droit, et M. Phillips 500,000 fr. pour l’observatoire. En se bornant à quelques faits tout récens, on voit un M. Putnam donner 380,000 fr. pour construire une académie à Newburyport, un négociant de New-York, en pleine crise, consacrer 2 millions à la construction d’un collège pour les jeunes filles à Pougltkeepsie, sur les bords de l’Hudson, un habitant d’Utica offrir 2 millions ½ pour établir une école d’agriculture dans cette petite ville. Faut-il ouvrir une chaire nouvelle et y appeler un savant connu, quelques citoyens se cotisent, et le fonds est fait, le revenu assuré. Le peuple lui-même s’intéresse au progrès des hautes sciences on a élevé un observatoire au moyen de souscriptions à un sou.