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l’adresse vint celle du budget, qui entraîna les esprits vers d’autres préoccupations, et enfin, lorsque la session fut close, on était à la fin de juillet; tout le monde avait quitté Paris ou aspirait à le quitter, il n’y aurait plus eu personne pour diriger l’enquête et pour y répondre. Il fallut encore ajourner, et d’ajournement en ajournement on n’a pu commencer sérieusement cette enquête qu’à la fin du mois dernier, c’est-à-dire plus de huit mois après qu’elle avait été annoncée. Cela veut-il dire que le gouvernement n’y tienne pas, et qu’il ne fait ordonnée que pour offrir une satisfaction apparente à l’opinion? Ce n’est pas notre sentiment; nous croyons au contraire que le gouvernement y tient beaucoup, et qu’il est disposé à la poursuivre maintenant avec toute l’activité possible. Il ne faut pas croire, parce que nous venons de traverser une année presque entière où l’argent a été abondant et à bon marché, que nous ne le reverrons plus jamais rare et cher, et que nous sommes pour toujours à l’abri des maux dont nous avons souffert l’année dernière. L’argent a été abondant aussi après la crise de 1857, comme il l’a été cette année. L’encaisse, descendu à 191 millions au mois de novembre 1857, était remonté à 538 millions au mois de juillet 1858, ce qui ne l’empêcha pas quelques années après, au mois de novembre 1863, de redescendre à 205 millions, et d’être à 169 millions au mois de janvier 1864. Déjà même, après avoir oscillé autour de 500 millions pendant plusieurs mois cette année, le voilà redescendu à 418 millions[1], et l’escompte, qui était à 3 pour 100 il y a un mois, est aujourd’hui à 5 pour 100; il est à 7 pour 100 en Angleterre.

Après la crise de 1857, malgré la leçon sévère qu’elle nous avait infligée, nous n’avons pas cessé d’agir comme par le passé, sans nous préoccuper des enseignemens qu’elle pouvait contenir. Il ne faudrait pas faire de même cette année. Le meilleur moment pour étudier les crises, c’est lorsqu’elles viennent d’avoir lieu; le souvenir en est encore assez présent pour que chacun puisse déposer avec pertinence de faits qu’il a eus sous les yeux, et comme, les intérêts ne sont plus en jeu, les dépositions sont empreintes de plus de calme et de plus de sincérité: Discuter au moment de la crise, lorsque les intérêts sont le plus engagés, c’est absolument comme si on voulait juger un drame avant d’en connaître le dénoûment. Les Anglais n’y ont jamais manqué; c’est toujours au lendemain des crises qu’ils ont fait leurs enquêtes, et il ne s’en est pour ainsi dire pas passé une sans qu’on en ait recherché les causes. En 1810, après la plus grande dépréciation qu’aient subie

  1. Bilan du 2 novembre 1865.