Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

renchérissement du capital, et comme on ne remédie pas à une insuffisance de capital de 6 milliards comme on remédie à un déficit de 200 millions dans l’encaisse métallique, le renchérissement a duré deux ans. Il a fallu le temps, ou que les épargnes vinssent combler le vide, ou, ce qui malheureusement arrive plus souvent, qu’une crise vînt provoquer une liquidation et rétablir l’équilibre.

Maintenant, pour répondre au questionnaire, comment cette cherté du capital est-elle devenue une crise monétaire, comment a-t-elle agi sur le cours des métaux précieux? La réponse est bien simple. Lorsqu’on dit que l’argent est cher, il s’agit du prix du métal, considéré non pas en lui-même, mais comme moyen de se procurer les choses dont on a besoin. On ne consomme pas du métal, excepté pour quelques usages commerciaux insignifians; ce qu’on consomme, ce sont des céréales, c’est du vin, ce sont des étoffes, c’est du fer, etc., toutes choses qu’on peut se procurer avec de l’argent et qu’on ne se procure aisément que par cet intermédiaire. L’argent est donc la forme sous laquelle circulent toutes les choses dont on a besoin et qui constituent le capital disponible; par conséquent il ne peut avoir un prix différent de ces mêmes choses. Supposez pour un moment que l’argent soit abondant et à bon marché pendant que les choses qui constituent le capital disponible seront rares et d’un prix élevé. Immédiatement, avec cette abondance de l’argent, on se procurera les choses qui manquent, et on aura recours à ce moyen d’échange jusqu’à ce que le prix de l’argent lui-même soit au niveau de celui de toutes les autres choses.

On s’est souvent demandé, en comparant l’encaisse de la Banque de France à une époque où l’argent est à bon marché et à une autre où il est cher, et en voyant entre les deux époques une simple différence de 200 millions, on s’est demandé comment il se faisait que, pour une si minime différence, pour 200 millions de plus ou de moins dans l’encaisse de la Banque, lorsqu’il y avait du reste de 4 à 5 milliards de numéraire en France, le prix de l’argent passât tout à coup de 3 et 4 pour 100 à 6 et 7 pour 100. Et alors on a imaginé toute espèce de systèmes pour donner à la Banque les 200 millions qui lui manquent et qui lui permettraient, croit-on, de parer à tous les besoins. On lui a conseillé d’augmenter son capital, de rendre plus disponible celui qu’elle a déjà, de renoncer à d’autres services qui absorbent à peu près ces 200 millions. On n’a pas réfléchi que cette différence de 200 millions que l’on prend pour la cause n’est ici que l’effet. S’il est vrai qu’en dix ans on ait employé en dépenses extraordinaires 6 milliards ou environ de plus que n’ont fourni les épargnes, et que ce soit là la cause