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Crédit mobilier a été, qu’on me pardonne l’expression, un lanceur d’affaires. Pour lui, l’intérêt du présent domine presque toujours celui de l’avenir. Les entreprises qu’il organise sont de longue haleine; elles ne doivent pas donner de résultats immédiats. Ce n’est qu’au bout de quelques années qu’on pourra les juger à l’œuvre. En attendant, on se contente de promesses, et le prestige du Crédit mobilier reste intact.

Du reste. le vice qui s’est révélé dans l’administration du Crédit mobilier serait celui de toutes les institutions de crédit qui voudraient commanditer l’industrie; non-seulement elles seraient sollicitées, comme le Crédit mobilier, à lancer seulement les affaires et à réaliser au plus vite l’intérêt qu’elles y auraient pris, mais la prudence même leur en ferait une loi à cause de la nature des capitaux dont elles disposent. Je ne prétends pas pourtant que ces sociétés ne puissent prêter une certaine assistance aux entreprises industrielles elles le peuvent avec une partie de leur actif social, avec les capitaux qui leur sont prêtés à longue échéance; mais cet emploi doit être fait avec beaucoup de mesure, car on n’est jamais sûr de l’avenir des affaires dans lesquelles on s’engage, et le capital social, c’est la garantie des opérations d’une banque il doit toujours être prêt à être réalisé. Ce qu’il y a de mieux pour ces institutions, ce qui est leur caractère propre, c’est de se borner à des opérations commerciales, d’escompter du papier de commerce ou autres valeurs de ce genre.

Il y a dans l’institution du Crédit mobilier un autre vice encore qui a produit des résultats déplorables c’est la faculté qui lui a été donnée, sous prétexte de soutenir le crédit, de vendre et acheter à terme toute espèce de valeurs. On soutient le crédit quand on a des capitaux disponibles, et qu’on peut les employer à acheter des fonds publics sans être obligé de les revendre plus tard. Les caisses d’épargne, la Caisse des retraites, diverses sociétés de prévoyance, les établissemens publics, enfin tous les capitalistes qui ont des fonds à placer, soutiennent le crédit, parce que ce qu’ils cherchent dans leurs placemens, c’est un revenu fixe et assuré, et qu’ils n’ont pas besoin de spéculer sur des différences; mais comment s’imaginer que le Crédit mobilier, qui n’a que des capitaux mobiles, dont il ne peut pas disposer pour longtemps, puisse soutenir le crédit? Le Crédit mobilier ne cherche pas des revenus dans les valeurs qu’il achète à la Bourse; il n’aurait pas le temps de les attendre. Ce qu’il cherche avant tout, ce sont des différences à réaliser il achète une valeur aujourd’hui, il la revend demain. Le crédit public n’a rien à gagner à cette opération si la hausse s’est faite sous l’influence de l’achat, la baisse a lieu sous l’influence de la