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pare les cantons d’Unterwald et d’Uri, et le second les cantons d’Uri, de Glaris et des Grisons. Des rivières et des fleuves considérables partent de ces sommets ; il suffit de nommer la Reuss et le Tessin, le Rhin, l’Aar et le Rhône. Le Saint-Gothard envoie donc l’eau de ses glaciers à la Mer du Nord, à la Méditerranée et à l’Adriatique. Si du sommet de la montagne on descend vers le nord, on arrive, par la pittoresque et sauvage vallée de la Reuss, sur les bords du lac des Quatre-Cantons, le plus beau de la Suisse ; si au contraire on descend vers le midi, on trouve la vallée de la Lévantine, qui est traversée par le Tessin, et où la majesté de la nature alpestre s’efface peu à peu devant les dans paysages de l’Italie.

En raison de sa situation, le Saint-Gothard a toujours eu une grande importance stratégique. Il a pendant plusieurs siècles servi de route militaire entre la Lombardie et l’Allemagne. Maîtres de ses hauteurs, les habitans d’Uri ont tenu la vallée de la Lévantine assujettie jusqu’aux guerres qui ont suivi la révolution française. C’est cette position redoutable qui assurait aux cantons suisses la possession de la contrée qu’on appelait autrefois les bailliages transalpins, et qui forme aujourd’hui la partie méridionale du canton du Tessin. C’est grâce au Saint-Gothard que l’ancienne Suisse se faisait craindre des ducs de Milan et qu’elle remportait sur les armées milanaises, au commencement et à la fin du XVe siècle, les brillantes victoires d’Arbedo et de Giornico. Toutefois les plus beaux faits d’armes dont le Saint-Gothard ait été témoin sont l’expulsion des Autrichiens par le général Lecourbe au mois d’août 1799, puis la retraite héroïque de ce général devant l’armée de Souvarov. Lecourbe, chargé par Masséna de la guerre dans les hautes Alpes, arriva avec une petite flottille à Fluelen, où la Reuss se jette dans le lac des Quatre-Cantons. L’ennemi occupait en face de lui toute la vallée ; mais Lecourbe avait divisé ses troupes et combiné les mouvemens de leurs différens corps de manière à les faire déboucher à la fois en plusieurs points de cette vallée. Une division suivit le passage des Surenen, qui mène d’Unterwald à Altorf. Le général Loison descendit de l’Oberland bernois par le passage du Susten et déboucha à Wasen vers le centre de la vallée de la Reuss. Le général Gudin prit le Grimsel et la Furka, dont les sentiers conduisent à Urseren au pied même du col de la montagne. Ces mouvemens. exécutés avec bonheur, obligèrent les Autrichiens à se retirer dans le canton des Grisons par la vallée de Maderane et par les passages du Crispalt et de l’Ober-Alp ; mais il y eut trois jours de combats sanglans. La mêlée la plus terrible eut lieu sur l’ancien pont du Diable, bien connu des touristes, et qui passe ; au fond d’une gorge d’une âpreté grandiose, au-dessus d’une des chutes de la Reuss. Le pont s’écroula tout chargé de combattans, et les Français