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ne laisser de place qu’au torrent lui-même et à la route postale. C’est là qu’en 1799 six cents soldats français arrêtèrent pendant douze heures un corps de trois mille grenadiers russes. Après un parcours de 7 kilomètres, le chemin arrive à Quinto sur la deuxième terrasse et suit pendant quelque temps le fond même de la vallée; c’est ainsi qu’il atteint Dazio-Grande. Il reprend alors le versant gauche, puis franchit au moyen d’un tunnel un second défilé et la chute du Tessin. En ce point, la pente du terrain est si roide qu’à 1 kilomètre au-delà de la terrasse de Dazio la voie se trouve à 100 mètres déjà au-dessus du thalweg; elle traverse une région fortement ravinée et débouche au-dessus de Faïdo, chef-lieu de la Lévantine, placé au centre de la troisième terrasse. Au sortir de la gorge où se trouve la chute du Tessin, on salue l’Italie. Le paysage prend des teintes chaudes, des groupes de marronniers montrent leur épais ombrage, on ne tardera pas à voir la vigne et le mûrier. A partir de cette région, le climat est assez doux pour qu’il n’y ait plus de travaux de défense à élever contre les avalanches et les neiges; mais c’est ici que l’inclinaison rapide du dernier gradin de la Lévantine oblige le chemin à faire un laborieux détour. Aux approches de Giornico, on le verra s’enfoncer dans un contre-fort rocheux au moyen d’un tunnel semi-circulaire, revenir sur lui-même pendant 3 kilomètres et franchir le Tessin par une seconde courbe, dont la moitié est souterraine. Il longe alors la rive droite du fleuve pendant trois autres kilomètres, passe de nouveau le Tessin, et atteint enfin, sur la rive gauche, le village de Giornico. Nous rencontrons ici pour la seconde fois l’emploi des rampes en spirale; ce n’est qu’à l’aide de ce moyen que le chemin de fer peut s’étendre entre Faïdo et Giornico en conservant toujours une pente de 25 millièmes, tandis qu’entre ces deux points l’inclinaison moyenne de la vallée dépasse 28 millimètres par mètre. De Giornico à Biasca, l’établissement de la voie ne présence plus de difficultés sérieuses, et enfin à Biasca on se retrouve tout à fait dans les conditions des chemins de plaine. Biasca n’est qu’à 310 mètres au-dessus du niveau de la mer. En ce point commence le chemin tessinois, qui se dirige d’abord sur Bellinzona et se bifurque à partir de cette ville pour gagner d’une part Locarno et le Lac-Majeur, et pour atteindre de l’autre côté Lugano et Chiasso à travers le Mont-Cenere. Il ne reste plus dès lors à faire qu’un raccord avec les chemins lombards prolongés jusqu’à la frontière suisse.

Si l’on a suivi les indications que nous venons de donner sur le tracé général du chemin du Saint-Gothard, on aura vu que tous les grands travaux sont concentrés entre Fluelen et Biasca. C’est cette section qui constitue, à proprement parler, la traversée des Alpes. Il n’est donc pas sans intérêt d’indiquer ici dans leur ensem-