Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/606

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commerçans, chefs de boutique, gens bien établis et honorables. Ils font patrouille avec les soldats s’exercent, prennent de la peine et sont contens de prendre de la peine. « J’ai fait des sacrifices à mon pays, disait mon négociant, et je suis prêt à en faire encore. » Plus de rivalités provinciales ou municipales, Florence a renvoyé à Pise en signe de fraternité les chaînes de son port que jadis elle lui avait prises. J’indique un officier qui passe, et je demande si ce n’est pas là un Piémontais. — « Plus de Piémontais, nous sommes tous mêlés dans l’armée, il n’y a plus que des Italiens. »

Ils ont la confiance et les illusions de 89. Sur cette remarque que l’armée italienne n’a pas encore fait ses preuves : « Nous avons combattu à Milan en 1848 ; la ville, à elle seule, en trois jours a chassé les Autrichiens. Nous avons combattu aussi à Pérouse contre les Suisses, qui massacraient les femmes et les enfans ; j’étais à cheval alors. Il y avait une forteresse contre la ville : regardez, voici ce qui en reste, nous en faisons un musée. Non, non, nous ne craignons pas les Autrichiens. Nous avions soixante-dix mille volontaires contre eux en 1859. Encore deux ans, les paysans eux-mêmes se lèveront en masse, et nous les chasserons de Venise. » (Les sept mille volontaires sont donc soixante-dix mille ; mais le peuple est poète : plus il se gonfle, plus il s’élève.)

Même roideur anti-ecclésiastique que dans notre révolution. Selon mes deux compagnons, « les prêtres sont des coquins (birbanti) ; le gouvernement a raison de confisquer les biens des moines ; il devrait chasser tous ces gueux qui ouvertement font de la propagande contre lui. Avant 1859, ils étaient tout puissans, entraient dans les affaires domestiqués ; ils étaient jugés par un tribunal spécial et n’étaient jamais punis. A présent ils baissent la tête ; il y en a deux qui dernièrement ont été condamnés pour délits, et tout le monde a applaudi. Ils ne faisaient que du mal. Les mendians, enfans et adultes, qui nous assiégeaient à Assise, sont de leur provenance, au physique comme au moral. Ils corrompaient les femmes, entretenaient l’oisiveté par leurs aumônes, maintenaient l’ignorance ; mais aujourd’hui on répand l’instruction partout, chaque commune a son école : il y en a treize dans Assise, qui n’a que trois mille âmes. » — Un mendiant s’accrochait à notre voiture. « Va-t’en, coquin, demander aux moines ; tu as ton père parmi eux. » — L’autre, avec son sourire italien, obséquieux et fin, répondait : « Signor, no ; je ne suis pas du pays, donnez-moi quelque petite chose. »

Quantité de petits faits manifestent ce ressentiment contre le clergé. Dernièrement, à Foligno, dans une mascarade, ils ont représenté dans les rues le pape et les cardinaux ; c’étaient des sifflets,