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exigences légitimes des libéraux allemands trouveront sans doute satisfaction. Nous le répétons, ce travail de réorganisation est une œuvre très complexe, très délicate, soumise à d’inévitables lenteurs, mais l’intention inspiratrice et le but poursuivi sont honnêtes et sensés, et il faut faire des vœux pour que le succès soit au bout. La réussite aura des conséquences heureuses à plusieurs points de vue. Nous verrons rentrer sur la scène de la politique publique de l’Europe ces Hongrois, si bien doués pour la politique et pour la liberté, avec la brillante générosité de leurs sentimens et leur éloquence originale. L’empire autrichien, devenu un état définitivement libre, se classera à un rang élevé dans le mouvement des sociétés modernes. Il s’appliquera pacifiquement à l’exploitation de ses vastes ressources économiques ; il fera cesser le long désordre de ses finances, il s’affranchira des routines bureaucratiques, il s’initiera par les traités de commerce aux bonnes pratiques industrielles. La conduite de M. de Belcredi, de M. de Mailath et de leurs collègues nous autorise à espérer qu’ils poursuivent de semblables résultats. Si l’Autriche devenait ainsi un état vraiment moderne, si elle s’habituait à placer les intérêts positifs au-dessus des susceptibilités vaniteuses, si elle reconnaissait équitablement dans son propre sein les droits des nationalités, en conciliant dans la liberté commune les races diverses qui forment l’empire, peut-être alors ne serait-il pas chimérique d’espérer que le jour viendrait où elle adapterait sa politique étrangère à sa politique intérieure, où elle se fatiguerait de ne plus retenir la Vénétie que par une domination tyrannique et ruineuse, et où elle consentirait, moyennant des compensations du genre de celle dont M. Sella parlait l’autre jour, à céder Venise à l’Italie et à ne plus menacer la sécurité d’un peuple dont l’existence et l’indépendance sont désormais une des conditions essentielles de la paix de l’Europe.

On aurait peu de goût à songer à l’Espagne, si de temps en temps on n’était réveillé en sursaut par quelque excentricité nouvelle de l’un des mobiles cabinets qui passent au gouvernement de ce pays désorienté. Tandis qu’on croyait l’Espagne occupée à se remettre de la panique du choléra, ou à panser les blessures de ses finances, ou à méditer quelque révolution de palais, le commerce européen s’est trouvé tout à coup très sérieusement lésé par une équipée de l’amiral Pareja mettant le Chili en état de blocus. Le Chili est justement la république de l’Amérique espagnole qui fait le plus d’honneur à son origine par la sagesse de sa conduite, par sa politique libérale et par sa tranquillité intérieure. C’est à cette honnête république que le gouvernement espagnol n’a pas craint de chercher une mauvaise querelle. Les longues et diffuses circulaires de M. Bermudez de Castro ont manqué complètement leur objet ; bien loin de justifier la conduite de l’amiral Pareja, elles ont choqué le bon sens du public français et anglais par la futilité des prétextes invoqués contre le