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il reste des arceaux rompus, de massifs piliers couronnés d’arches en plein-cintre, un bel escalier normand, des passages obscurs et mystérieux dans lesquels, au tomber de la nuit, volent les chauves-souris. De grands arbres, presque aussi vieux que les murs, croissent pêle-mêle au milieu des anciens matériaux de l’architecture : briques, pierres, silex. Il est difficile d’imaginer l’effet merveilleux des épais feuillages vus à travers les ouvertures des ogives dans ces sombres corridors où le bruit des pas retentit sur les dalles creuses et sonores. Au milieu de ces ruines et de ces jardins s’élève la cathédrale.

L’édifice a été trop de fois décrit pour que je m’arrête aux détails de l’architecture ; il suffira d’indiquer les dispositions intérieures que le protestantisme anglican a imposées aux anciennes églises métropolitaines. Aujourd’hui, pour se rendre dans la partie de la cathédrale vraiment consacrée au culte, on traverse une nef vide dont les ailés latérales sont incrustées de monuments funéraires, et dont l’imposante nudité fait encore mieux ressortir la grandeur des lignes combinées avec l’élévation de la voûte. Un triple escalier de dalles conduit de la nef à l’ancien chœur, masqué par un riche écran de pierres chargé de figures gothiques, et au milieu duquel s’ouvre une grille en fer. Ce chœur, isolé du reste de l’édifice par un entourage en marbre de Purbeck et surmonté de vitres à une certaine hauteur, est bien une église dans l’église. C’est là qu’ont lieu le dimanche et pendant la semaine les services religieux. A droite s’élève le trône de l’archevêque. Ailleurs se distinguent le siège de l’archidiacre ainsi que les stalles du doyen et des prébendiers. Le reste des bancs en bois est occupé par les fidèles et par les écoles de charité. Deux officians, revêtus des signes de leur dignité canoniale, commencent les prières. Le service du dimanche, quoique le même au fond, se célèbre dans les cathédrales avec beaucoup plus de solennité que dans les autres églises protestantes. Au lieu de réciter, on chante toutes les paroles, et les grosses voix de basse-taille, dominées par les notes aiguës des enfans de chœur, se mêlent de temps en temps aux soupirs majestueux de l’orgue. A un moment donné, un des officians se dirige vers les hauteurs du sanctuaire séparé du chœur par des degrés de marbre et bordé de chaque côté par les sarcophages des anciens archevêques : seul et à distance de la foule, il psalmodie d’une voix grave les versets du décalogue. Après les chants, un prédicateur, attaché au chapitre, lit le sermon qui dure environ une demi-heure. La musique, la prière, la parole, quelques cérémonies très simples, voilà tout ce qu’autorise, même dans les cathédrales, l’austérité du rit protestant. Pour remplir ces grands vaisseaux de pierre, il fallait