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retranché sur les sommets djurdjuriens. Le poste de Turaphilum cité par Ptolémée et prétendu centre d’action des Romains dans le Mons-Ferratus, on s’était plu à l’imaginer sur l’emplacement du village kabyle de Koukou, à cinq lieues est de Fort-Napoléon : mais, à regarder le mamelon étroit dont le village de Koukou occupe la cime, on se convainc qu’il n’a jamais pu avoir un développement qui lui permît de contenir une population ou une garnison considérable. Une douzaine de pierres de taille qui gisent près de la porte sud, dite porte du Rempart, et une citerne solide, longue de 9 mètres, sur une largeur de moitié, voilà ce qui suffit aux gens à système pour décider que la marque romaine est là. On a vraiment bien abusé de ces mots de voies romaines, de ruines romaines ; toute voie pavée n’indique pourtant pas que ce soient les Romains qui l’aient faite, car les Kabyles pavent souvent eux-mêmes leurs chemins. Tout débris de constructions en pierre de taille ne témoigne pas nécessairement la main-d’œuvre romaine : dès l’antiquité, les Kabyles, au dire de tous les historiens, se bâtissaient des demeures fixes. La présence des Romains pendant quatre siècles autour du Djurdjura put permettre aux ouvriers kabyles d’étudier la manière romaine de construire et de l’imiter, et nous voyons Ammien Marcellin vanter l’apparence monumentale d’un château indigène, Fundus Petrensis, réduit en cendres par Théodose, magnifique villa, dit-il, que Salmace, frère de Firmus, avait bâtie somptueusement à l’instar d’une vraie cité. » Ceux qui bâtissaient une cité somptueuse pouvaient bien construire une simple citerne ; le seul ornement d’ailleurs qui reste apparent sur une des pierres de Koukou est un croissant grossièrement tracé, la seule inscription qu’on y ait découverte est arabe.

Il ne doit pas davantage être sérieusement question de ce burgus centenarius (fort gardé par cent hommes) que des cartes toutes récentes ont placé chez les Aït-Iraten, près du contre-fort de Bou-Atelli ; l’erreur est venue d’une inscription latine découverte là, parmi des ruines et d’abord mal comprise. Cette épigraphe parle d’un centenarius indéterminé, « construit aux frais d’un certain M. M… en l’an provincial 289, » c’est-à-dire en 329 de notre ère Or des fouilles habilement conduites par le colonel Hanoteau sur ce point que les indigènes appellent Ourtin Taroummant (le Jardin du Grenadier) ont mis au jour un sépulcre auquel les ruines extérieures appartiennent, et qui conserve aujourd’hui encore une tête de mort et des ossemens. La pierre de l’inscription susdite se trouve n’être que l’épitaphe de ce tombeau, et si l’on songe que c’était certainement se créer un titre à la bienveillance impériale que de construire à ses frais un fort en Afrique, au lendemain surtout de