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tu me trouves dur ! dit au chien l’os avec orgueil. — Sois tranquille, répond le chien sans s’émouvoir, j’ai tout le temps. » Le Djurdjura était dur à attaquer ; mais quand il se vit mordre par l’aigle française, décidée à prendre son temps pour en finir, il fut bien forcé de se laisser ronger jusqu’au bout. Rome, qui n’a pas su mettre le pied sur les crêtes avec le ferme dessein d’y rester, a dû connaître ces infidélités et ces défections qui ne pouvaient que rendre dans les vallées kabyles sa jouissance incertaine et son autorité chancelante. La capitale même du canton militaire du Sébaou, Bida ou Djemâ-Sâridj, combien de temps resta-t-elle le siège de l’autorité impériale ? Nous ne savons ; mais lorsque le comte Théodose passa trois ans à combattre les populations du Mont-de-Fer, nous ne le voyons, ni pendant ni après la guerre, mettre le pied dans le limes Bidensis. C’était le cas cependant de visiter les différens postes qui entouraient la montagne et d’y fortifier le prestige romain par sa présence : Accuser ici une lacune de l’histoire est impossible : la chronique d’Ammien suit Théodose pas à pas ; si elle ne le conduit point à Bida, c’est qu’il n’y parut point, et que Bida, ainsi que la vallée du Sébaou, avait échappé, depuis longtemps peut-être, à l’action romaine.

A le bien prendre d’ailleurs, la politique générale des empereurs en Afrique avait-elle aucun esprit de grandeur et de conciliation propre à attirer les insoumis ? En acceptant Auguste pour maître, les provinces avaient bien, — au dire de Tacite, — salué de leurs acclamations la chute d’un gouvernement débile qui ne savait réprimer ni les dissensions des grands ni la cupidité des magistrats ; mais les efforts d’Auguste pour rétablir la légalité dans les administrations provinciales tombèrent vite en oubli. La Rome impériale ne professa bientôt plus ni respect pour les institutions, ni ménagemens pour la fierté des peuples. Elle voulait les assujettir, non se les assimiler. Claude régnait quand l’administration romaine se substitua en Mauritanie à celle des rois vassaux ; les habitans du Djurdjura en purent regarder les effets autour d’eux. Quelle idée donnât-elle de la justice des maîtres du monde ? Où le régime fut-il plus oppressif, les impôts plus lourds, les exactions plus violentes ? Impôt personnel, impôt foncier payé en nature et s’élevant au dixième des produits, douanes, réquisitions légales, voilà les quatre sortes de contributions régulières qui pesaient sur l’Afrique. Ce n’était rien auprès des contributions extraordinaires constantes qui obligeaient les cultivateurs à livrer des supplémens de grains à un prix dérisoire déterminé par le gouvernement. Au temps de la république, les impôts des provinces étaient affermés à des compagnies dont les agens, nommés publicains, ont laissé dans l’histoire